Personal Shopper (Olivier Assayas, 2016)

Un cumul de dédoublements, d’incertitudes, de flottements, pour un film sans colonne vertébrale qui circule entre les genres

Maureen, une jeune américaine à Paris, s’occupe de la garde-robe d’une célébrité (mannequin ? artiste ? chanteuse ? on ne le saura pas, mais elle s’appelle Kyra). C’est un travail qu’elle n’aime pas mais elle est payée en billets de 500€ et n’a pas trouvé mieux pour payer son séjour et attendre que se manifeste l’esprit de Lewis, son frère jumeau récemment disparu. Lewis habitait une grande maison avec sa femme Lara. Des amis de Lara veulent acheter la maison. Ils savent que Lewis peut hanter la maison, et demandent à Maureen de vérifier. Maureen s’exécute, elle trouve des signes mais pas de certitude. C’est alors que d’étranges messages anonymes arrivent sur son portable, signés « Unknown ». Unknown ne veut pas révéler son identité, mais pose des questions et donne des ordres. 

Tournant du film : un jour où elle ramène des bijoux très coûteux chez Kyra, Maureen trouve son cadavre. Le film se fait alors très compliqué. Unknown semble au courant du meurtre. Quelqu’un dépose les bijoux chez elle. Elle les ramène dans un hôtel que lui a indiqué Unknown, et c’est l’amant de Kyra qui se fait arrêter. Comprenne qui pourra.

Le film est construit sur une série de dédoublements :

  • entre Maureen et Lewis, son frère jumeau qui vient de mourir d’une anomalie cardiaque qu’elle a elle aussi. Lewis croyait aux esprits, et elle pense qu’elle peut communiquer avec lui. Mais elle n’en est pas sûre, et si elle communique avec un esprit, ce n’est peut-être pas lui.
  • entre Maureen et « Unknown », l’interlocuteur dont elle ne connaîtra jamais l’identité ni le sexe, qui l’appelle sur son téléphone portable, lui donne des rendez-vous dans des hôtels, et semble, peut-être, avoir organisé le meurtre de Kyra par son amant. Il y a du réel dans Unknown, puisqu’il (ou elle) paye les chambres dans les grands hôtels, mais on ne sait pas si vraiment Unknown est l’esprit, quand il se manifeste. On peut aussi se demander si Unknown n’est pas l’amant de Kyra qui la manipule pour qu’elle soit accusée du meurtre et du vol des bijoux.
  • entre Maureen et Kyra. Le travail de Maureen, c’est d’acheter des vêtements et des bijoux (très chers) pour une autre femme, Kyra, qui n’est jamais là (ou presque), qui passe son temps dans la jet set, et dont on ne sait pratiquement rien. Elles ont la même morphologie. Les vêtements de Kyra vont à Maureen qui pourrait les porter, mais Kyra le lui interdit. Alors parfois elle transgresse la règle : elle essaie une chaussure dans un magasin ou un autre accessoire, jusqu’au moment où Unknown lui ordonne de transgresser la règle, ce qu’elle fait.
  • entre Maureen et elle-même, car elle se demande à la fin si, tous ces doubles, ce n’est pas elle-même. Voudrait-elle être une autre lui a demandé Unknown, et elle a répondu oui. 

C’est un film de deuil, encore une fois, le deuil de soi, encore une fois. Tous ces doubles qui meurent (Lewis, Kyra, et même Unknown, déjà mort), c’est bien sûr elle-même, c’est chaque fois un « je suis mort ». Elle est déjà morte dans ce qu’elle fait à Paris, elle est morte à travers son frère dont elle partage la malformation cardiaque, elle est morte quand elle rejoint son petit ami aux Emirats – lequel ne l’accueille même pas. Elle passe chaque fois d’une grande solitude à une grande solitude.

C’est aussi une sorte de jeu pour cinéphile érudit entre les genres et les références (fantômes, thriller, film noir, etc.). C’est aussi une sorte de déclaration d’amour pour l’actrice, Kristen Stewart, effectivement très séduisante.

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Pierre Delain

Initiateur et auteur du blog "Cinéma en déconstruction"

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