Blow Out (Brian de Palma, 1981)
Il ne reste du naufrage du politicien que la trace d’un cri, le deuil de la vérité, de la confiance
Il ne reste du naufrage du politicien que la trace d’un cri, le deuil de la vérité, de la confiance
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
L’effondrement d’un monde, réduit à sa pure représentation photographico-cinématographique, sans analyse, ni contexte, ni récit, ni signification
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
En photographiant ceux qu’on aime, on les tue, et ce meurtre déclenche une cascade de culpabilité, de folie et de mort
Entre une vie, un récit, une fiction, les bordures sont vivantes : incertaines, changeantes, imprévisibles.
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Il s’est souvenu d’autres vies et d’autres mondes qu’il a portés; un autre vivant surviendra, peut-être, pour les porter à nouveau.
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Où la décision juste, crédible, ne repose plus sur le témoignage mais sur la trace calculable.
Pour accéder aux souvenirs, il faut pousser toujours plus loin le mouvement de la mimesis, multiplier les dédoublements.
« Il faut mourir vivant »dit la photo-reporter, en laissant à d’autres les traces de son parcours, et un film.
S’arrêter sur le pont qui mène au fantasme, au rêve, en passant par la photographie.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Dans l’acte du criminel comme dans l’expérience du cinéma, il faut dominer l’image, la cadavériser, pour jouir du regard.
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
Derrière le regard circulaire du système des médias, il y a des pleurs – impossibles à cacher, étouffer, réprimer, arrêter, surmonter.
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
Il faut garder l’avenir ouvert, sans préjuger de ses conséquences ni s’enfermer dans une définition préalable du bien et du mal.
Je dois m’immoler par le feu, j’y suis poussé, incité sans but, sans raison, justification ni condition.
Là où des cadavres se nourrissent de cadavres, ça ne fait plus monde, c’est sans monde.
S’appuyer sur le mythe le plus courant pour inventer un autre référent, tout aussi mythique.
Entre calculabilité universelle et incalculabilité du travail, le balancier de l’horloge oscille
Quand s’effondrent les limites, les parerga, rien ne peut arrêter la violence originelle, inouïe.
En portant l’enfant mort, le voyant fait le deuil de ce que lui-même a été.