Nosferatu (Robert Eggers, 2024)
Tomber sous emprise est une malédiction dont on ne peut s’extraire qu’en y sacrifiant ce qui, au fond de soi, y adhérait
Tomber sous emprise est une malédiction dont on ne peut s’extraire qu’en y sacrifiant ce qui, au fond de soi, y adhérait
Quand le pouvoir souverain, obscur, de la féminité, met en jeu la peine de mort pour s’approprier la puissance phallique
Quand le secret de l’amour est enfoui, définitivement inaccessible, il n’y a plus d’horizon, il ne reste que la confusion des plaisirs
On ne peut valoriser « ce que je suis », la fiction identitaire du soi-même, que par une mystique de la reconnaissance de soi par autrui
Il faut filmer, sans vergogne, au-delà de la honte et du mépris, au-delà de toute autre relation d’amour ou de conjugalité
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Ce qui, en-dehors de toute règle, s’interpose dans les brèches de la famille, du lien conjugal, est brutal, excessif, traumatisant, destructeur
Il faut se retirer de l’amour conventionnel, conjugal, le vider, pour que commence le sexuel, le réel de la vie, l’existence, l’éthique
Le « cancer créatif », essentiellement anarchique, dangereux, létal, que ni l’art ni les pouvoirs ne peuvent stabiliser, appelle une transformation inouïe, à venir
On ne peut pas guérir du « cancer créatif », cette maladie mortelle qui produit toujours, sans raison, de nouveaux organes dont il faut faire le deuil
Exhiber, par la mise en jeu d’un corps nu, les ressorts cachés d’une soumission qui épuise la personne, la vie sociale, anéantit l’avenir
Sans habitat, sans passé, sans futur, sans monde, il ne reste que les pleurs
Les souvenirs peuvent céder place à une autre mémoire, une archi-mémoire, une insaisissable pulsion amoureuse
Un film ambivalent qui embellit l’ambivalence d’une jeune fille envers ce qu’elle a à subir.
Délivrée du phallique, la sexualité féminine peut se saisir de la chair.
Un fil caché aussi ambigu qu’un pharmakon, qu’un hymen.
Pour chaque jeune fille, se pose pour la première fois, à nouveaux frais et singulièrement, l’énigme de la sexualité.
Une bouche-hymen qui mange, lèche, suce, jouit, parle, enseigne et pleure – sans réussir à vivre.
« No more money, no more sex, no more power, no more future » – Il n’en faut pas moins pour interrompre le cycle.
Une tragédie hétéro-thanato-graphique : « Tu es en deuil de toi-même, il faut que je te porte ».
La version hip hop du lien communautaire (Geschlecht), son empoisonnement, sa corruption et sa dislocation.
Rien ne peut arrêter une femme qui veut démontrer l’impuissance masculine;
Pour se sauver soi-même, il est préférable de pardonner : punir l’autre, ce serait se punir soi-même et s’interdire la transgression
Une série de pures rencontres, sans autre motif que le plaisir et le sexe, n’a pas d’autre horizon que la mort.
Monstrueuse la tragédie d’un fils naturel dont on attend qu’il assassine une mère déjà morte, un père déjà suicidé, au prix de sa vie.
Où l’inceste, étranger à la chaîne des dettes et des corruptions, peut sembler réparateur.
Le vingtième siècle aura été double – et je peux jouer, dans le plaisir et la douleur, sur cette duplicité.
Pour s’emparer des possessions des hommes, dans son absolue souveraineté, la femme laisse libre cours à ses pulsions, y compris épistémiques
Se débarrasser de l’obscène, le cacher, éviter de le rendre public, telle est la morale dont il faut prendre le contre-pied.
Un désir unique, singulier, déclenché par la rencontre improbable, indécise, de deux solitudes.
Pour un homme, faire jouir une femme est un plaisir sans limite; on peut tout donner pour cela, y compris son sexe, sa vie
Plus la transgression est excessive, et plus elle reconduit le cycle de la dette.
Où une fiction circulaire scelle l’alliance autobiographique du cinéma avec un « je ».
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Au cœur de la plus phallogo-polémo-centrique des comédies, un homme impuissant ressuscite, en paix avec lui-même, après la Cène
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
Il aura fallu passer par l’expérience du porno, l’épreuve de l’horreur, pour enfin vivre autre chose que la vie courante : vivre plus que la vie
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Pour devenir soi, unique entre tous, laisser venir l’hybride dans son corps.