American Fiction (Cord Jefferson, 2023)
Pour réussir dans la vie sociale, médiatique, on n’échappe pas aux stéréotypes mais on peut contribuer à leur déconstruction.
Pour réussir dans la vie sociale, médiatique, on n’échappe pas aux stéréotypes mais on peut contribuer à leur déconstruction.
La position unique d’une jeune fille qui s’évade de tous les conflits, erre entre les pouvoirs sans jamais se laisser instrumentaliser par aucun d’entre eux.
On ne peut poursuivre la quête aporétique, chercher à posséder ce qu’on sait ne pas pouvoir posséder, qu’avec l’appui crypté de la religion.
Enfermement et décrépitude sont indissociables; avec la clôture des frontières, toujours plus impérieuse, la déchéance ne peut que faire retour.
(Se) laisser dire « Je suis morte » n’est pas sans risque ! Et si l’on vous croyait !
Délivrée du phallique, la sexualité féminine peut se saisir de la chair.
Chaque jour ton corps change, tu es la même personne sans l’être et tu peux te réveiller tout·e autre.
Il n’y a dans le monde que des marionnettes identiques à la voix identique, sauf dans un moment d’exception, unique, déstabilisant, irrépétable.
Déjà en deuil de lui-même, il anticipait sa seule survie possible : résister, par un film, à la pulsion de mort
Par-delà la vengeance, la destruction des corps, des croyances et des superstitions ennemis, s’ouvre un avenir sans ressentiment ni compensation, sans désir de puissance, ni viril ni phallique.
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
« Dès que je m’efforce de la respecter, la loi défaille »
Il reste aux femmes qui se retirent de la domination masculine à vivre dans l’incertitude.
« Puisque je suis déjà mort, je n’ai pas d’autre solution que de disparaître ».
En voulant me transformer, je redeviens ce que je suis et son contraire, mon propre pharmakon.
Pour quiconque, il peut arriver qu’une décision souveraine, inconditionnelle, invite à la mutation, la transformation, l’hybridation.
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Par les brèches de la famille, les fissures de la communauté, s’insinue une extériorité irréductible.
Une bouche-hymen qui mange, lèche, suce, jouit, parle, enseigne et pleure – sans réussir à vivre.
Je suis double mais l’autre en moi, mon jumeau, est déjà mort » – un dédoublement qui ne franchit pas la limite du « deux.
« No more money, no more sex, no more power, no more future » – Il n’en faut pas moins pour interrompre le cycle.
Vous êtes tous des criminels, je veux bien vivre parmi vous, mais je ne vous ferai pas d’enfants.
Il faut, pour survivre, prendre tous les rôles, se déguiser jusqu’à épuisement.
Il est « minuit à Paris » et la différance, insistante, fait craquer les couples.
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
Une singulière catastrophe amoureuse, incompréhensible, exceptionnelle et terrifiante, fait advenir une autre alliance, immaîtrisable et inconnue, entre la mort et la vie.
Ce qui, en plus d’un film, reste d’un tournage : le destin bouleversé des acteurs d’occasion.
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
Se faire orpheline, exposée au danger, pour que s’invente une autre alliance.
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
Où le cycle de la dette est corrompu, ruiné, asservi aux commerces de la drogue et du cinéma.
La collision de mondes clos n’ouvre ni avenir, ni survie.
Quand l’amour se décide, la trace se retire, elle s’efface – il faut plonger dans l’incertitude.
Par sa perte absolue d’identité, la situation du prisonnier de guerre radicalise celle du soldat.
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
Esquisse d’une autre communauté où l’éthique des singularités prévaut sur la solidarité de groupe.
On ne peut ni s’approprier une signature, ni usurper un nom innocemment.
Un frère mort, disparu, peut gouverner une vie et aussi induire une pensée spectrale, supplémentaire : la déconstruction.
Dans un monde sans salut possible, sans rédemption, sans promesse, sans avenir, il n’y a pas d’extériorité, on ne peut que revenir dans sa cage.
La version hip hop du lien communautaire (Geschlecht), son empoisonnement, sa corruption et sa dislocation.
L’homme d’aujourd’hui, ce fantôme, ne sert d’appui que si sa présence s’évanouit.
Rien ne peut arrêter une femme qui veut démontrer l’impuissance masculine;
Tu répondras à l’autre, dans l’irresponsabilité la plus absolue.
Pour se sauver soi-même, il est préférable de pardonner : punir l’autre, ce serait se punir soi-même et s’interdire la transgression
Un monde clos dont les bords ne s’étendent qu’au prix d’une étrange et incontrôlable transformation.
Avec le nazisme, il n’y a plus ni père ni fils, ni mère ni enfants, mais une seule chair qui ne peut que vivre et disparaître en même temps.
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Il aura fallu, pour que le fils prenne la place de l’antéchrist, carboniser le père, décapiter les femmes, réduire le logos en cendres.
Les seuls amis qui me restent sont ceux qui ne répondent pas.
En associant le long du fleuve les lieux fragmentés de la dette, de l’économie et de l’échange, on appelle une autre unité, une autre éthique.
Tragi-comique, scandaleux, imparable et inéluctable, l’événement sacré qui fait de Dieu une femme.
Par la grâce d’une amnésie purificatrice qui annule les fautes, innocente, immunise du passé – on peut recevoir le pardon.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
Un cinéma de l’être rapporté à ses conditions de production, sans rêve ni fantasme, englué dans ses propres contraintes.
Il faut un compte juste pour qu’une autre économie, un autre type d’alliance et d’altérité, se mette en place.
« Pour te venger, effacer tes dettes, il faut que tu t’en souviennes, même si, dans la pure présence, tu ne peux te souvenir que de rien ».
Il n’y a pas de limite au parasitage, pas de ligne protectrice qui ne puisse être franchie.
« Il faut œuvrer », à condition que l’orientation choisie reste suspendue à l’indécision ».
Une force excessive, inquiétante, souveraine, s’impose sans considération ni pour la vie, ni pour la mort, ni pour la crédibilité du récit.
Où l’inceste, étranger à la chaîne des dettes et des corruptions, peut sembler réparateur.
Sexe et pouvoir, à l’état nu, exhibent sans fard leur complicité.
Il faut des femmes imprévisibles, illogiques, irrécupérables, pour créer entre les mondes d’autres liens.
Au-delà de tout calcul, une promesse d’amitié peut enjamber deux siècles.
Jamais les excuses ni les regrets ne seront à la hauteur du mal fait.
Entre l’œuvre, la vie, la mort, il faut que la frontière reste indécise, indéterminée, infranchissable.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Il faut, pour excéder la cruauté, recueillir sa force, la transformer sans rien qui puisse la compenser : ni argent, ni amour, ni gain, ni perte.
L’alcool peut aussi, parfois et sans prévenir, se faire pharmakon.
Le vingtième siècle aura été double – et je peux jouer, dans le plaisir et la douleur, sur cette duplicité.
Qui parasite l’autre prend le risque d’être parasité par l’autre.
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
À tout ce qu’on voulait faire de moi, j’ai acquiescé, mais on ne peut pas m’empêcher de dire « je ».
L’économie du salut, par l’initiative, la compétence et le savoir, venus de l’étranger.
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Pour légitimer la nation chilienne, il aura fallu qu’un métis témoigne de l’extermination des Indiens, avant qu’il ne soit effacé lui aussi.
Dire oui à l’amitié jusqu’à bâtir l’oiseau de bois, au confluent de la combe magique.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Un désir unique, singulier, déclenché par la rencontre improbable, indécise, de deux solitudes.
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
« Il faut que je te porte », dit la terre, et tu répéteras le cycle.
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
Quand la mise en acte d’une justice inconditionnelle, non négociable, appelle une solidarité sans réserve.
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Il n’y a pas de cinéma sans argent, mais il ne peut y avoir de cinéma que s’il l’excède.
Tenter de réunir des fraternités irréconciliables sans les contester de l’intérieur conduit à la paralysie, la tragédie, l’autodestruction.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Il s’agit, sous l’apparence de la transgression, de sauver la distinction tranchée qui oppose le bien au mal.
Au cœur de la plus phallogo-polémo-centrique des comédies, un homme impuissant ressuscite, en paix avec lui-même, après la Cène
Une virginité toute autre, d’avant toute virginité.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
Porter à l’excès la logique de l’échange pour faire un pas au-delà, le dernier pas, indifférent à l’échange.
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».