Conan le Barbare (John Milius, 1981)

Par-delà la vengeance, la destruction des corps, des croyances et des superstitions ennemis, s’ouvre un avenir sans ressentiment ni compensation, sans désir de puissance, ni viril ni phallique

Ce sont les débuts d’Arnold Schwarzenegger encore jeune1, qui doit montrer sa puissance physique, sa détermination, et aussi ses moments de faiblesse, ses douleurs (bien qu’il ne pleure jamais). Il a tout perdu, son père, sa mère, et aussi ses coreligionnaires, sa communauté, son Dieu dont il ne connaît que le nom (Crom), mais qu’il ne prie pas. Il n’a plus de lien culturel, ni linguistique, ni généalogique, ni territorial, avec le monde de son enfance qui a entièrement disparu – à l’exception de l’arme qu’il a récupérée dans une tombe, une épée en acier dont le secret de fabrication a été, lui aussi, oublié. Élevé par des étrangers, il ne semble pas avoir de difficulté à pratiquer leur langue2, ce qui ne l’empêche pas de découvrir avec étonnement leurs rois, leurs princes, leurs religions. Pour retrouver ses ennemis, il ne dispose que d’un symbole : deux serpents entrelacés, la lune claire et le soleil sombre. Vivant dans l’amnésie, il n’a pas d’autre but que la vengeance, pas d’autres compagnons que des individus solitaires, comme lui, en rupture avec leur culture dont ils sont le dernier représentant, comme lui. Il est parfois jouisseur, il aime les femmes mais ne reste avec aucune, car son destin est ailleurs, dans d’autres alliances à venir. Il frôle la mort, mais finit toujours par ressusciter, avec ou sans l’aide de démons. Voyageant de cérémonie en cérémonie, d’orgie en orgie, de puits en grottes, de palais clos en cave, il n’a qu’une seule idée en tête : se préparer au combat ultime. En décapitant le roi-prêtre qui a tué ses parents et qui désormais se prend pour son père, il se venge, fomente une révolution sans le savoir, détruit les superstitions, libère un peuple sans l’avoir voulu. Par-delà le personnage du guerrier, son désir de vengeance, son souci des origines, par-delà son combat contre Thulsa Doom et sa fausse religion (quoique bien nommée car elle conduit à la ruine, la mort, la condamnation, le châtiment, la perte), Conan est chargé d’une mission. Laquelle ? On le voit à la fin du film porter dans ses bras la fille du roi Yildiz. C’est sa tâche de mercenaire, dont il ne garde aucun profit mais qui annule toutes ses dettes. Il n’a plus rien à prouver, plus rien à gagner ni à perdre, il ne sait pas où il va, ne veut et ne peut pas le savoir. Toujours absolument solitaire, dégagé de tout devoir, de toute obligation, de toute compensation, de toute économie, il peut se tourner pour la première fois vers un avenir inconnu, son avenir.

  1. Comme Conan, il a quitté son ancienne patrie (l’(l’Autriche). Pour être accepté dans la nouvelle, il doit montrer ses muscles, et aussi apprendre à combattre avec les méthodes du cru. Il doit aussi cacher sa langue d’origine, et apprendre à masquer son accent. ↩︎
  2. En l’occurrence, l’anglais… ↩︎
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Pierre Delain

Initiateur et auteur du blog "Cinéma en déconstruction"

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