Amour, amitié, aimance : ça porte

Par amour, amitié, aimance, je me laisse porter, je te porte

L’amour ou l’amitié, c’est à la fois porter l’autre et/ou se laisser porter par lui. Dans sa pièce chorégraphique créée en 1978, Café Müller, Pina Bausch ne cesse de faire répéter à ses danseurs un mouvement de défaillance, d’échec ou d’abandon : il faut porter l’autre, mais ce n’est pas possible, ça ne marche pas. Un personnage (le médiateur ou porteur d’autorité) invite un danseur masculin, l’homme, à porter une danseuse, la femme, à bout de bras, mais ce dernier ne la soutient pas, il la lâche, elle tombe, se relève, l’enlace à nouveau, et le processus recommence, une invitation à porter toujours inachevée, interrompue et ininterrompue. Plus tard c’est le médiateur lui-même qui soulève l’homme par les pieds, le porte et fait quelques pas avec lui. Ensuite, dans une scène plus rude, l’homme et le femme se portent mutuellement avant de jeter l’autre contre un mur. Dans cette histoire d’amour, (s’il s’agit de cela, et tout y conduit), une pulsion à porter s’avère toujours inefficiente, refoulée. Elle est exigée par un amour archaïque, violent, et se dissout en lui.

L’amour quotidien, courant, celui du couple qui vit les difficultés et les tensions de la société, inhibe cette dissolution. Nous nous aimons pour porter l’autre et être portés par lui. Dans Sailor & Lula (David Lynch, 1990), la sauvagerie du monde se répercute dans la sauvagerie de l’amour (Wild at heart). Les dangers sont si puissants, si redoutables et leurs conséquences tellement irréparables que seul un amour tout aussi puissant, tout aussi inébranlable et illimité, permet de résister. Il arrive que cela réussisse, et alors on a un enfant et on fait famille, mais il arrive aussi que cela échoue.

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