Septembre sans attendre (Jonas Trueba, 2024)
Il faut, pour porter la tristesse d’une fin d’amour, en garder la trace, l’archive, par une célébration
Il faut, pour porter la tristesse d’une fin d’amour, en garder la trace, l’archive, par une célébration
Exhiber, par la mise en jeu d’un corps nu, les ressorts cachés d’une soumission qui épuise la personne, la vie sociale, anéantit l’avenir
Dans l’obscurité de la nuit, un autre amour peut surgir, imprévu, inespéré, inexprimé, d’une intensité inouïe, et disparaître aussitôt
Sans habitat, sans passé, sans futur, sans monde, il ne reste que les pleurs
Un sentiment de culpabilité, enfermé dans un cycle de dette incontrôlé, peut conduire à l’injustice la plus radicale, effacer tout autre désir, toute autre éthique
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Le délire de souveraineté détaché du monde, ni crédible ni légitime, ne peut conduire qu’à l’autodestruction
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
« No more money, no more sex, no more power, no more future » – Il n’en faut pas moins pour interrompre le cycle.
Il faut, pour survivre, prendre tous les rôles, se déguiser jusqu’à épuisement.
Un jour vide, désespéré, point d’aboutissement d’un monde et d’un cinéma sans contenu ni transmission.
il y a dans ce film quelque chose de nazi : l’entrée en scène d’un monde absolument dépourvu d’avenir
Notre monde s’efface, s’arrête, ce qui arrive est obscur, inconnu, absolument indéterminé.
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
La collision de mondes clos n’ouvre ni avenir, ni survie.
« Je suis mort », souverainement mort, bien que vous puissiez encore voir mon corps, entendre ma parole et ma voix.
Dans un monde sans salut possible, sans rédemption, sans promesse, sans avenir, il n’y a pas d’extériorité, on ne peut que revenir dans sa cage.
Avec le nazisme, il n’y a plus ni père ni fils, ni mère ni enfants, mais une seule chair qui ne peut que vivre et disparaître en même temps.
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
« Pour te venger, effacer tes dettes, il faut que tu t’en souviennes, même si, dans la pure présence, tu ne peux te souvenir que de rien ».
Pour résister aux pulsions de mort, de cruauté, il faut la pure gratuité de l’ornement féminin.
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Notre monde s’effondre, il n’y a personne pour nous porter et nous ne savons pas nous porter nous-mêmes.
Une allégorie de la traduction du monde en film ou du film en monde.
Tenter de réunir des fraternités irréconciliables sans les contester de l’intérieur conduit à la paralysie, la tragédie, l’autodestruction.
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.
Un collage de phrases mortes qui ne promet rien, n’engage à rien, mais appelle l’adhésion.
L’utopiste, qui veut tout prévoir, n’attend plus rien de l’avenir.
Au bout du compte, le dernier mot appartient au cinéma, car malgré tout, il porte encore la promesse.
La déconstruction ordinaire, sans réponse, ça peut se consommer sans déplaisir, mais pas sans angoisse