Zelig (Woody Allen, 1983)
L’identité de celui dont l’identité est de ne pas en avoir est aussi une identité, celle qui oblige à vivre dans l’aporie
L’identité de celui dont l’identité est de ne pas en avoir est aussi une identité, celle qui oblige à vivre dans l’aporie
Pour restaurer le mariage légitime, contractuel, voulu par les pères, il faut en passer par le sortilège d’une autre amour disruptif, envoûtant, déstabilisateur
Déjà mort, faisant le deuil de lui-même, il peut transgresser les interdits, effacer les dettes et les engagements, désirer sans condition un amour impossible
Il faut filmer, sans vergogne, au-delà de la honte et du mépris, au-delà de toute autre relation d’amour ou de conjugalité
Un vol déraisonnable, sans logique, ni cohérence, ni crédibilité, générant sans condition un pur plaisir de cinéma
Entre la violente affirmation d’une souveraineté démesurée et la renonciation passive à toute décision, il y a complicité, voire équivalence, dont on ne peut s’extraire que par l’exigence d’un recul, d’un retrait
Aux lettres d’amour maternelles, elle répond par la plus impersonnelle des répliques : une longue video postale
Inconditionnelle, la souveraineté est insoutenable mais digne; prise dans les calculs et les compromissions, elle s’auto-détruit dans l’indignité
Souverain, le roi doit pouvoir, dans le domaine qu’il a choisi, affirmer sans compromis ni condition la loi qui lui est propre
De la tentative d’effacer tout ce qui fait le cinéma, il reste un film qui donne paradoxalement au cinéma son sens
Une rencontre qui, dans un moment d’incertitude, préserve le mystère de l’autre, son secret, son énigme
Une hospitalité tellement fragmentée, menacée, impossible, qu’elle ne peut se réfugier que dans l’œuvre – et alors celle-ci l’affirme sans réserve, inconditionnellement
On répare sans cesse les erreurs, les fautes ou les mensonges, mais quand survient l’irréparable, il est impossible de compenser, il ne reste que les pleurs
Un événement évanescent, indéterminé, sans témoin crédible ni trace, on peut l’évoquer, en faire un film, un pur film, en multiplier les interprétations
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
Entre deux gardiens de l’inconditionnel, la rencontre est aussi fatale qu’impossible.
Déjà en deuil de lui-même, il anticipait sa seule survie possible : résister, par un film, à la pulsion de mort
Une voix parle au nom du Rien (comme si tous les riens, la multiplicité des riens, ne pouvaient se rapporter qu’à ce Rien unique, en ruine)
Un film qui, pour se faire Œuvre de cinéma, doit être lu, entendu, expliqué, transmis, interprété, admiré.
À travers ses manifestes, l’art en personne déclare : « Sauf l’art, rien ne peut être sauvé »
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Dans un monde sans salut possible, sans rédemption, sans promesse, sans avenir, il n’y a pas d’extériorité, on ne peut que revenir dans sa cage.
Complaisamment j’exhibe toutes les facettes de mon image, afin de protéger mon secret.
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Tu répondras à l’autre, dans l’irresponsabilité la plus absolue.
Tout autre, derrière l’apparence de normalité, est excessivement singulier, infiniment autre.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
« Il faut œuvrer », à condition que l’orientation choisie reste suspendue à l’indécision ».
Sexe et pouvoir, à l’état nu, exhibent sans fard leur complicité.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Pour qu’advienne le « oui », il faut se laisser aller à un cheminement vide, vacant, et implorer.
Refuser la peine de mort exige un engagement inconditionnel démesuré, illimité, incompatible avec quelque transaction que ce soit.
On ne peut pas se préparer à la mort, tout ce qu’on peut faire, c’est en exiger toujours plus, plus encore que la vie.
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
On peut pallier, par l’œuvre, la perte d’un regard unique, irremplaçable.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
Porter à l’excès la logique de l’échange pour faire un pas au-delà, le dernier pas, indifférent à l’échange.
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.