Il faut, pour aller vers sa propre destination, la violence de l’autre
D’une voix perdue, absente, on ne peut faire émerger qu’une archi-présence pour toujours enclose, inaccessible, encryptée
Pour sauver la ville de la mort, il faut renoncer à l’amour conjugal pour une autre alliance, mystérieuse, un autre réseau d’allégeance
Le rêve du réalisateur : une caméra qui, se faisant passer pour un spectre, possède la faculté d’intervenir sur ce qu’elle filme
Tomber sous emprise est une malédiction dont on ne peut s’extraire qu’en y sacrifiant ce qui, au fond de soi, y adhérait
Je n’ai rien d’autre à transmettre que ma singularité, ma personnalité, en tant qu’elle est unique, insubstituable
Quand le pouvoir souverain, obscur, de la féminité, met en jeu la peine de mort pour s’approprier la puissance phallique
La simple présence d’une personne étrangère, sans raison ni justification, peut arracher quelqu’un à sa vie quotidienne, traduire ses pensées dans une autre langue
La mise en scène d’une histoire diffractée, disséminée, inépuisable, enfouit dans l’obscurité la folie incestueuse des personnages
En l’absence de preuve, il faut un témoignage – fût-ce d’un enfant – pour décider, mais le jugement véritable, s’il en est, pourrait venir d’ailleurs
Témoigner par le cinéma de la faculté du cinéma à témoigner du réel
On peut jouir de l’emprise, aussi insupportable soit-elle
La mafia fait peser sur ses membres une dette illimitée, qu’elle compense par la promesse d’une jouissance gratuite, sans limite
Pour mourir dans la dignité, il faut mourir vivant
Le jour des premières règles est celui où une bénédiction doit venir, pour protéger, accompagner et aussi prendre son envol
Purifier la violence primordiale par la beauté des corps souffrants, réparer par un amour quasi-religieux un massacre abominable
L’identité de celui dont l’identité est de ne pas en avoir est aussi une identité, celle qui oblige à vivre dans l’aporie
Pour restaurer le mariage légitime, contractuel, voulu par les pères, il faut en passer par le sortilège d’une autre amour disruptif, envoûtant, déstabilisateur
Une pure éthique singulière, inconditionnelle, d’une absolue simplicité, ne peut pas se mesurer à l’injustice
Il aura fallu un cadre unique, fixe, stable, pour faire du domicile le lieu où s’incarne la phrase : « Il n’y a pas de chez soi »
Dans un monde flottant, réduit à des vestiges, il n’y a pas de finalité à l’errance
Faute d’avoir été digne d’amour, je voudrais être digne de la vérité, mais celle-ci m’échappe, il ne me reste que la prière
Faire son deuil en préservant, malgré tout, un lieu où la trace du mort peut s’inscrire
Nouveau christianisme : on peut accéder à la rédemption en donnant du plaisir
Je ne peux prétendre qu’en vérité, « Je suis mort », qu’en prenant l’identité d’un vivant assez crédible pour dire : « il est mort », mais alors ce « il », ce doit être aussi moi
Seule la femme du dehors est digne d’alliance, mais jamais elle n’est disponible : elle éblouit, se dérobe et disparait
Pour pallier l’épuisement du « chez soi », on multiplie les ornements, les plats, les cadeaux et les chansons nostalgiques, mais ça ne marche pas, on n’est plus nulle part
Où la passion du toucher rejoint la passion d’emprise, fantasmatique ou défensive
Une culture passéiste, réduite à sa rhétorique, ne résiste pas à sa désintégration
Il faut, pour s’autoriser un amour d’un autre type (inconditionnel), se détacher de tout engagement, se décharger de toute dette
Quand le secret de l’amour est enfoui, définitivement inaccessible, il n’y a plus d’horizon, il ne reste que la confusion des plaisirs
Dans les bordures et les parerga démultipliés de l’amour, une jouissance singulière, incomparable, rencontre une tristesse sans appel
Fuir par le voyage ouvre sur une extériorité factice : parodie du tourisme filmé, circularité, plaisir du pastiche, répétition de soi qui mène à l’effacement
Déjà mort, faisant le deuil de lui-même, il peut transgresser les interdits, effacer les dettes et les engagements, désirer sans condition un amour impossible
On ne peut valoriser « ce que je suis », la fiction identitaire du soi-même, que par une mystique de la reconnaissance de soi par autrui
Il faut filmer, sans vergogne, au-delà de la honte et du mépris, au-delà de toute autre relation d’amour ou de conjugalité
Un vol déraisonnable, sans logique, ni cohérence, ni crédibilité, générant sans condition un pur plaisir de cinéma
On ne peut pas empêcher l’injustice, on ne peut qu’en déplacer les conséquences
Pour aller plus loin, au-delà du pont, il aura fallu qu’il se vide, qu’il évacue la charge mentale du narcissisme et de la danse qui entravait sa marche
Pour réparer le monde, il faudrait un « saut dans l’inconnu » dont nul ne connaît l’aboutissement; Coppola rêve le meilleur, mais le pire pourrait advenir
Un film qui crée son propre monde qui n’est pas un monde, mais un montage cinématographique de situations, de citations et de dialogues, pour le salut du cinéma et de ses personnages
De la présence au spectre, il faut payer le prix du passage
Il ne reste du naufrage du politicien que la trace d’un cri, le deuil de la vérité, de la confiance
Inconditionnel, excessif, asocial, irrationnel, l’appel archi-amoureux brouille les valeurs, les noie dans une équivalence/indifférence générale
Fini de jouer! Sans chez soi ni extériorité, sans passé ni avenir, plus rien ne protège de la cruauté du monde
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Il faut une voix possessive, étouffée quoique toute-puissante, pour s’approprier par le proxénétisme du texte et du montage le corps et l’expression des femmes
Une substance pharmacologique peut effacer les stigmates du vieillissement, mais quand sa duplicité s’exhibe en public, alors elle fait exploser le lien social
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
Cinéma de l’extrême dépouillement : deuil de l’illusion, de la duplicité, du populisme, du Joker, du pharmakon et du blockbuster lui-même