Le Dernier Tango à Paris (Bernardo Bertolucci, 1972)
Ce qui, en-dehors de toute règle, s’interpose dans les brèches de la famille, du lien conjugal, est brutal, excessif, traumatisant, destructeur
Ce qui, en-dehors de toute règle, s’interpose dans les brèches de la famille, du lien conjugal, est brutal, excessif, traumatisant, destructeur
Il faut, pour construire un récit national, faire parler les traces – qui heureusement résistent, gardent leurs secrets
Il y a en moi une violence élémentaire, incontrôlable, qui me fait haïr le lieu où j’habite, ma famille; ne pouvant y échapper, je n’ai pas d’autre choix que le meurtre
Dans l’obscurité de la nuit, un autre amour peut surgir, imprévu, inespéré, inexprimé, d’une intensité inouïe, et disparaître aussitôt
Une rencontre qui, dans un moment d’incertitude, préserve le mystère de l’autre, son secret, son énigme
Un sentiment de culpabilité, enfermé dans un cycle de dette incontrôlé, peut conduire à l’injustice la plus radicale, effacer tout autre désir, toute autre éthique
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
On peut, par le cinéma, fabriquer un ersatz de multivers par lequel s’instille le retour obsédant de la spectralité
D’autres regards vivants, angoissés, désespérés, inouïs, inaccessibles, intraduisibles, émergent des marges de la ville.
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Le jugement final, c’est que nul ne peut témoigner de la vérité.
Délivrée du phallique, la sexualité féminine peut se saisir de la chair.
Entre deux gardiens de l’inconditionnel, la rencontre est aussi fatale qu’impossible.
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Seul un autre peut dire, à la place du « je » souverain : « Moi, je suis mort ».
En photographiant ceux qu’on aime, on les tue, et ce meurtre déclenche une cascade de culpabilité, de folie et de mort
La poésie qui reste, c’est le don d’une page vierge où écrire son secret
Il faut, pour un deuil, partager la mémoire, la parole, le corps et les secrets du mort.
Il reste aux femmes qui se retirent de la domination masculine à vivre dans l’incertitude.
Pour quiconque, il peut arriver qu’une décision souveraine, inconditionnelle, invite à la mutation, la transformation, l’hybridation.
Une hétérobiographie où, autour du secret préservé de l’autre, prolifèrent les autobiographies.
Un fil caché aussi ambigu qu’un pharmakon, qu’un hymen.
Ce qui fait la beauté irremplaçable du film et aussi sa faille, c’est que rien ne transpire du secret.
Une tragédie hétéro-thanato-graphique : « Tu es en deuil de toi-même, il faut que je te porte ».
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
Il faut, pour surmonter sa culpabilité, faire l’expérience de l’impossible.
On ne peut ni s’approprier une signature, ni usurper un nom innocemment.
Complaisamment j’exhibe toutes les facettes de mon image, afin de protéger mon secret.
Au cinéma, il est impossible d’interpréter sa propre mort, mais on peut toujours la jouer.
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
Dans une vacuité absolue, il cherche en elle un secret inavouable – mais il n’y en a pas.
Il n’y a pas de limite au parasitage, pas de ligne protectrice qui ne puisse être franchie.
Une figure de défilement routier fait le lien entre les éléments d’un récit dont la diffraction est irréductible.
Où l’inceste, étranger à la chaîne des dettes et des corruptions, peut sembler réparateur.
Un film qui démontre l’impossibilité de l’art, et creuse son tombeau.
Refuser la peine de mort exige un engagement inconditionnel démesuré, illimité, incompatible avec quelque transaction que ce soit.
Dans un film-cauchemar, la petite fille se retire après avoir payé le prix des blessures, des cicatrices, des souffrances que les autres se sont infligées.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Un désir unique, singulier, déclenché par la rencontre improbable, indécise, de deux solitudes.
« Il faut que je te porte », pour que tu m’ouvres les yeux.
Je regarde, depuis ma cachette, ce monde à la veille de sa disparition, puis je passe le témoin à un autre, sans le porter
En disparaissant, elles suspendent le monde dans lequel le film s’inscrit – sans laisser aucun indice sur l’autre monde.
Un film, dans le film, révèle une vérité dont il témoigne par le montage.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Une expérience d’hospitalité, même forcée, ça peut conforter le chez soi, faire du bien.
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
Ce qui reste silencieux ne peut s’écrire que dans une langue étrangère, intraduisible.
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
Une pure amitié qui ne repose sur aucune justification, sur aucun intérêt commun.