L’ennui (Cédric Kahn, 1998)

Il faut préserver le rapport sexuel, car c’est le seul rempart contre un ennui mortel

Il y a Martin, qui vient de divorcer et qui téléphone sans cesse à son ancienne femme Sophie. Il se comporte vis-à-vis d’elle comme un enfant, un adolescent; et il y a Cécile, 17 ans, adolescente elle-même, qu’il a rencontrée en allant chez un type (Meyers) trouvé dans un bar de Pigalle. Cécilia était l’amante et le modèle de Meyers. Bien que n’étant plus modèle, elle devient l’amante de Martin. Elle lui rend visite tous les jours, ils baisent, et basta! ça recommence. Alors Martin l’interroge, il l’interroge sans fin pour essayer de comprendre comment elle fonctionne; mais elle, elle est désespérément simple, elle n’a pas de commentaire à faire. Ce n’est pas qu’elle soit bête; mais elle est inculte, et elle ne voit pas pourquoi elle ajouterait des mots aux mots, alors que les mots les plus simples suffisent.

On dirait qu’ils sont aussi fous l’un que l’autre, l’un parce qu’il est malade de désir et de passion devant cette énigme incompréhensible, et l’autre, tout simplement, parce qu’elle est une femme, une vraie femme, et n’est-ce pas une forme de folie ? Il est fou d’être une femme. Mais une folie si simple, si raisonnable, qu’on finit par se demander si elle existe.

Elle aussi, elle s’ennuie, c’est pour ça qu’elle aime se faire baiser par des hommes qui n’aiment que ça, c’est sa façon à elle de contrecarrer l’ennui. Sa jouissance particulière, c’est l’anti-ennui, et il se trouve que cet anti-ennui a rapport au sexe. Est-ce que c’est ça, la jouissance féminine ?

Donc, elle prend un autre amant, un jeune homme plus proche de son âge et de sa culture, un dénommé Momo, et Martin est follement jaloux de Momo, et Martin donne du fric à Cécilia qui le redonne à Momo.

Le père de Cécilia est en train de mourir d’un cancer, elle prétend s’en soucier mais en réalité elle ne s’en occupe pas, elle s’en fiche. Elle n’aime personne, dit sa mère. Alors, qu’est-ce qu’elle aime en Martin ? Sa position paternelle (par son savoir, il pourrait être un peu plus un vrai père que son père à elle, d’ailleurs Meyers était déjà un substitut de père) ? Son fric ? Sa grosse bite ? Son désir excessif ? Sa jalousie même ? C’est une énigme. Elle est une énigme. Sa bêtise (non dépourvue de ruse) est une énigme.

Ils n’ont pas de rapport entre eux, dit Martin, pas de dialogue, rien d’autre que le coït, mais le coït est-il un rapport ? Lui, pour combler ça, il tente de la faire parler, il tente de lui faire exprimer ce qu’elle ressent, il tente de lui faire raconter ce qu’elle vivait avec Meyers quand celui-ci a succombé en faisant l’amour, ce qu’elle vit avec lui, ce qu’elle vit avec Momo, mais c’est peine perdue.

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Pierre Delain

Initiateur et auteur du blog "Cinéma en déconstruction"

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