Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1967)
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
On ne peut pas guérir du « cancer créatif », cette maladie mortelle qui produit toujours, sans raison, de nouveaux organes dont il faut faire le deuil
Il y a en moi une violence élémentaire, incontrôlable, qui me fait haïr le lieu où j’habite, ma famille; ne pouvant y échapper, je n’ai pas d’autre choix que le meurtre
Une force inconnue, difficilement descriptible, confère à certains actes de certaines personnes une extériorité unique, une capacité à se distinguer du commun, à faire événement
Un pacte de suicide où l’appel de la mort détermine l’amour, et non pas l’inverse
Une emprise sans cause, sans violence, sans initiative du dominant, est-ce possible ?
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Ni la vie, ni l’amour, ni la vérité n’ont de sens, pas plus que le jeu d’acteur qui les mime, alors il faut s’en retirer – c’est triste, on en pleure
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
Un événement évanescent, indéterminé, sans témoin crédible ni trace, on peut l’évoquer, en faire un film, un pur film, en multiplier les interprétations
On peut, par le cinéma, fabriquer un ersatz de multivers par lequel s’instille le retour obsédant de la spectralité
La position unique d’une jeune fille qui s’évade de tous les conflits, erre entre les pouvoirs sans jamais se laisser instrumentaliser par aucun d’entre eux.
Délivrée du phallique, la sexualité féminine peut se saisir de la chair.
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
Pour chaque jeune fille, se pose pour la première fois, à nouveaux frais et singulièrement, l’énigme de la sexualité.
Ce qui fait la beauté irremplaçable du film et aussi sa faille, c’est que rien ne transpire du secret.
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
Notre monde s’efface, s’arrête, ce qui arrive est obscur, inconnu, absolument indéterminé.
Une singulière catastrophe amoureuse, incompréhensible, exceptionnelle et terrifiante, fait advenir une autre alliance, immaîtrisable et inconnue, entre la mort et la vie.
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
On ne peut répondre à la cruauté, inexplicable et injustifiable, que par un au-delà de la cruauté, tout aussi inexplicable et injustifiable.
Pour ceux qui ont vécu la Shoah, la vie s’est arrêtée : il ne reste plus que des survivants.
Il aura fallu, pour que le fils prenne la place de l’antéchrist, carboniser le père, décapiter les femmes, réduire le logos en cendres.
Les seuls amis qui me restent sont ceux qui ne répondent pas.
Tout autre, derrière l’apparence de normalité, est excessivement singulier, infiniment autre.
Quand le mal radical répond, c’est dans la langue intraduisible d’un sacrifice terrible, inaudible, impardonnable
Il faut préserver le rapport sexuel, car c’est le seul rempart contre un ennui mortel.
Une figure de défilement routier fait le lien entre les éléments d’un récit dont la diffraction est irréductible.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Pour faire un couple comme pour faire un film, il faut multiplier les deuils, porter les endeuillés.
À tout ce qu’on voulait faire de moi, j’ai acquiescé, mais on ne peut pas m’empêcher de dire « je ».
Dans un film-cauchemar, la petite fille se retire après avoir payé le prix des blessures, des cicatrices, des souffrances que les autres se sont infligées.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.