Une fraternité qui ne reposerait que sur un jeu de réciprocités serait intenable, mortifère
Dans la vie sociale telle qu’elle est représentée au cinéma, on peut trouver plusieurs groupes ou communautés qui répondent d’assez près à cette définition. C’est le cas de certaines bandes plus ou moins délinquantes, par exemple celle qui est décrite dans le film de Jeff Nichols The Bikeriders(2024), et aussi de la mafia sous toutes ses formes, que le cinéma excelle à décrire. Dans le film de Martin Scorsese Les Affranchis (1990), les membres de cette noble association se nomment eux-mêmes Wise Guys ou Goodfellas, une façon de se désigner par antiphrase car ils n’ont rien de sages ni de bons. Au-delà des règles qu’ils prétendent toujours respecter (On ne balance pas son prochain, On respecte en toutes circonstances l’omerta), ils obéissent scrupuleusement à une loi implicite : Tant que tu respectes mes intérêts, je te respecte, mais si tu me trahis, tout peut t’arriver y compris la peine de mort. Cette loi est, comme les méthodes d’enrichissement et de gouvernement de Donald Trump, exclusivement transactionnelle. On ne fait jamais de cadeau dans ce milieu, si le mot cadeau est pris au sens de don inconditionnel, car tout, sans exception, est absolument conditionnel. Si je t’aide à t’enrichir tu m’aides à m’enrichir, si tu me dois quelque chose je te harcelai tant que la dette ne sera pas acquittée, si nous avons un intérêt commun nous sommes liés indissolublement, toute dispute non résolue ne peut se terminer que par une rupture violente, etc. C’est cela que, dans ces milieux, on nomme fraternité : une solidarité certes, mais masculine, virile, toxique, et toujours transitoire malgré les engagements solennels. La mafia est l’exemple, le type même de fraternité conditionnelle.