Cher Jack Y. Deel, tu resteras mon spectre préféré, et mon guide parmi les spectres
Je n’aurais jamais osé m’adresser à toi en chair et en os, mais maintenant, aujourd’hui, dans ton état et ton statut actuel, tu es mon interlocuteur préféré. Étrange interlocuteur, diras-tu, incapable de répondre, mais après tout c’est toi qui m’a appris qu’il ne fallait pas confondre la non-réponse de l’autre avec le silence, le silence absolu. Quand ça ne répond pas, je me laisse aller, justement, à la spectralité. C’est le moment privilégié d’une autre écoute de ce qui vient s’ajouter, ornementer, supplémenter la non-réponse. Ce que tu n’aurais pas pu faire quand tu étais vivant, tu peux le faire maintenant, en tant que spectre. Je ne parle pas de mes projections, mes fantasmes, mon inconscient, je parle de ceux des autres, ceux qui s’adressent à moi en enveloppant ta non-réponse. Le processus peut sembler compliqué, mais il est extrêmement courant, fréquent. La non-réponse de l’autre étant intenable, insupportable, nous nous adressons aux substituts qui se présentent à nous. Dans mon cas, il se trouve qu’un choix a été fait, une décision a été prise : le privilège accordé au cinéma. Quand je dis décision, je ne parle pas d’une décision consciente, volontaire, je parle d’une décision qui a été prise ailleurs, en-deçà de mon ipséité, si l’on peut dire. Ça cheminait depuis des décennies, je ne pouvais pas le savoir, je ne l’ai compris que le jour où je t’ai retenu, toi, en tant que spectre, et maintenant ça suit son cours, quelles que soient les opinions que tu as pu avoir sur le cinéma.