Dans un monde réduit à la répétition d’un mécanisme, je deviens un élément de la machine
Un monde qui se réduirait à la répétition d’un mécanisme, ce serait un monde qui se détruirait comme monde, ce ne serait plus un monde. Avec les avancées de la science, des machines, des algorithmes et de l’IA, on commence à se dire que cette destruction est possible, plausible. En fait elle est loin d’être nouvelle, car si rien ne venait le perturber, le cycle de vie lui aussi serait algorithmique, il se reproduirait à l’identique. L’étrange aboutissement de l’anthropocène pourrait aboutir à la pire des régressions : éradiquer l’inattendu, l’incertitude, le nouveau – et menacer non seulement la vie (dans sa diversité), mais aussi la subjectivité, la possibilité de penser. Ce risque est présenté comme tel dans la « comédie BDSM » de Joanna Arnow, The Feeling that the Time for Doing Something has Passed (La vie selon Anne, 2023). Dans un monde sur lequel elle n’a aucune influence, dans lequel elle ne s’imagine aucun avenir, Ann fait le choix de mettre en jeu ou en acte, dans le domaine sexuel, par une pratique BDSM, une soumission à laquelle elle ne peut échapper. Ce qui ressemble à un choix individuel résonne avec un monde où tout dans la vie est machinisé, calculé, algorithmisé, y compris le désir. Puisqu’il n’y a aucune possibilité de sortie, alors autant jouer à fond cette « comédie », qui ressemble plus à une tragédie.