Archi-amour, mémoire

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Il arrive que survienne une archive de l’amour, trop vieille pour venir en memoire, mais assez intense pour se manifester

Parler d’archi-amour, c’est introduire une distinction par rapport à la notion d’amour, plus courante mais guère mieux définie. L’amour peut se dire, s’affirmer, se confirmer, mais l’archi-amour est autre chose, difficilement dicible. L’amour est conscient, il concerne le moi, l’individu, tandis que l’archi-amour ne se manifeste qu’indirectement, et jamais de manière régulée, standardisée. Il peut y avoir des conventions dans l’amour, mais pas dans l’archi-amour. On peut savoir quand on est tombé amoureux, dans quelles circonstances, mais l’archive de l’amour reste dissimulée, inaccessible. Une autre façon d’expliciter ces distinctions concerne la mémoire. En général, sait-on d’où viennent les préférences, quelles sont les causes de l’amour ? Vous préférez les blondes ou les brunes, les grands ou les petits, etc. On peut parfois, par psychanalyse sauvage, imaginer la source de ces différences : le père, la mère, la famille, une rencontre, etc., mais on peut aussi supposer que, la plupart du temps, ce type de causalité relève de la réinterprétation, du souvenir-écran. En d’autres termes : dans l’amour, il y a toujours aussi de l’archi-amour, mais l’archi-amour est forclos, oublié, et le plus souvent incompatible avec les formes socialement acceptées de l’amour. Dans le film de Michel Franco, Memory (2024), se met en place un couple improbable, entre un homme atteint d’une forme de démence qui fait oublier le passé, même récent, et une femme au contraire obsédée par un passé douloureux, inoubliable. Or voici qu’une force étonnante, puissante, les réunit. Cette force vient d’avant, en-deçà de l’oubli et aussi en-deçà du souvenir. Elle leur permet à tous deux de se retirer des contraintes et obligations de la mémoire consciente. On retrouve la même force dans le Pandora de Albert Lewin (1951). La femme fatale, indifférente, des années 30, oublie qu’autrefois, dans un passé très ancien (situé dans la légende au 17ème siècle), elle avait promis à un homme de l’aimer jusqu’à la mort. Cette promesse oubliée, déniée, revient par une rencontre imprévisible.

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