Faire sens de la trace

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La trace exige que tu lui donnes un sens

On pourrait dire que faire sens est un acte spontané chez l’homme. Dès qu’on essaie de comprendre, d’interpréter, d’utiliser, on fait sens. Mais il y a des cas particuliers. D’abord ça ne fait pas toujours sens : parfois on s’en fiche, on passe à côté de la trace sans même s’en apercevoir. Tout ne fait pas sens, loin de là, et même la plupart des traces n’en ont aucun. Ensuite, ça peut faire sens sans que je me sente impliqué. J’ai l’impression que le sens arrive tout seul, sans que j’y aie vraiment pris part. Mais quand j’écris cette phrase, La trace exige de toi que tu lui donnes un sens, je parle encore d’autre chose. Pourquoi est-ce que je me sentirais obligé de répondre à cette injonction ?

Dans le film Dahomey, de Mati Diop (2024). 26 objets, dits trésors royaux du Dahomey, ont été restitués au Bénin. On peut les considérer comme des œuvres d’art, des objets de culte, des documents historiques ou des revenants, mais on peut aussi éviter de figer ces catégories établies en parlant de traces, de simples traces. Le film affirme qu’il faut que ces traces aient un sens. Certes ce sens n’est pas figé, pas définitif, mais s’ils n’avaient aucun sens, ils n’auraient aucune valeur, ils entraîneraient l’ensemble du peuple béninois dans cette non-valeur – ce que la démarche du film exclut a priori. Pour les individus comme pour la collectivité, la nation, telle qu’elle est issue des frontières coloniales, il faut que ça fasse sens.

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