Adresse au réalisateur : tu fais incarner par d’autres le plus marquant de ta vie
Pour faire une auto-bio-cinémato-graphie, au sens où je l’entends, il ne suffit pas de réaliser un film autobiographique. Une autobiographie cinématographique est une sorte de biopic, le récit d’une vie, sa seule particularité étant que le réalisateur a filmé sa vie comme s’il filmait la vie d’un autre. Ça arrive, et ça donne, par exemple, The Fabelmans de Steven Spielberg, dont même le nom est à peine travesti, puisqu’on retrouve Spieldans Fabel. Ce que je nomme autobiocinématographie, en un seul mot, suppose de raconter autre chose que sa vie, la vie d’un autre, pour laisser une trace de ce qui semble le plus marquant dans sa propre existence. C’est ce que font, par exemple. Terrence Davies dans Bénédiction (Les carnets de Siegfried) (2023), ou Cord Jefferson dans American Fiction (2022). Le premier raconte la vie d’un autre, Siegfried Sasoon, pour (se) remémorer ce qui l’a lui-même touché, et le second raconte la vie d’un personnage fictif, Thelonious « Monk » Ellison, pour (se) remémorer son identification avec l’écrivain qui a inventé ce personnage, Percival Everett. Le détour éloigne du biopic et rapproche d’un autre lieu plus caché, plus crypté, plus inaccessible.