Mon monde s’efface, il a presque disparu, plus personne ne le portera
Il y a ce monde que j’ai connu, dont j’ai encore le souvenir mais que j’ai déjà du mal à décrire. Il s’efface, il disparaît, il faudrait que je me résigne, que j’en fasse mon deuil mais je n’y arrive pas, moi-même je m’en écarte, je le ressens comme un monde étranger, je n’ignore pas que je suis, moi aussi, l’un des acteurs de cette disparition, l’un des responsables de ce naufrage, j’en souffre, mais cela ne change rien. J’assiste à cet effacement du dehors, comme un spectateur, je suis mal à l’aise, presque malade, incapable de refouler un certain degré de honte, mais je sais que je vais continuer à vivre, dans un autre monde, et que ma culpabilité ne m’accompagnera pas longtemps, elle disparaîtra avec moi.
C’est ainsi, peut-être, que pensait don Fabrizio Corbera de Salina dans le Guépard (Luchino Visconti, 1963), ou bien Thomas dans L’Île Rouge (Robin Campillo, 2022), ou encore Mariona dans Nos Soleils (Carla Simón, 2022). Ils ont tenté de faire revivre ces mondes-là, mais sans vraie conviction, sans espoir. S’ils ont fait ce film, c’est parce qu’ils savaient que c’était fini, enterré.