Le Vénérable W. (Barbet Schroeder, 2017)
À la jonction, excessivement calculable, du mal radical et du politique
Barbert Schroeder parle, à propos de trois de ses films, de Trilogie du mal1, tandis que ce film, d’un bout à l’autre, est politique. Plutôt que d’autres mots, plus précis, qui auraient pu faire l’affaire : nationalisme, racisme, fascisme, épuration ethnique, pogromes, massacres, voire génocide, Barbet Schroeder a choisi le mot mal – comme si le jugement moral devait prévaloir sur ce phénomène politique qu’est la rencontre léthale du nationalisme et du bouddhisme. Motivé avant tout par la défense de la race, Wirathu semble indifférent aux couples d’oppositions brandis par ceux qui le jugent : bien / mal, pacifique / violent, tolérant / intolérant, etc. Il veut le salut des Birmans contre un danger musulman qu’il fabrique lui-même (ils ne représentaient au moment du film que 4 à 5% de la population du pays, et probablement encore moins l’année suivante). Face à des envahisseurs supposés violeurs, séducteurs, calculateurs, le risque démographique est pour lui un argument imparable. Qu’importe ce que disait le Bouddha, on n’a pas l’impression, du moins dans le film, qu’il se préoccupe des principes du bouddhisme. Le salut de la race, la prévalence des vrais et purs Birmans sur leur territoire inviolable, c’est pour lui un principe inconditionnel. Or c’est ce caractère irréductible, cette absence de justification, qui nous donne l’impression, nous qui observons ce phénomène birman avec notre passé politique, que ce qu’il fait se situe du côté du mal radical.
Or c’est bien de cela qu’il s’agit, du mal radical, mais comment le démontrer ? Le film ne propose pas d’explication, il ne fait rien d’autre que montrer. Pour démontrer, il faudrait proposer une articulation entre mal et politique, mais comment recouper, par un raisonnement rigoureux, deux champs aussi hétérogènes ?
- Les deux autres films sont Jacques Vergès, l’Avocat de la terreur (2007) et Général Idi Amin Dada, un autoportrait (1975). ↩︎