Retrait, laisser place à l’autre

Tu te retires pour laisser place à l’autre

Choisir de disparaître, se nier totalement pour laisser place à l’autre, c’est un comportement improbable mais qu’on peut trouver dans certains films. Prenons le cas de Fahrenheit 451 (François Truffaut, 1966). Socialement, humainement, culturellement, Montag n’existait déjà plus. Le paradoxe de sa transformation, c’est que pour exister, il s’efface encore plus : il se nie totalement comme personne et devient un livre, uniquement un livre, le livre d’un autre. Ce faisant il ne se rabaisse pas, au contraire, il ne devient pas moins respectable, au contraire, il ne perd pas son humanité, au contraire. À ses propres yeux, il restaure sa dignité. Il n’est plus un pion dans un système qui le manipule, il devient unique, singulier. Dans Aucun ours (2022), Jafar Panahi joue le rôle d’un réalisateur qui ne réussit pas à tourner un film (et même deux), et qui pourtant doit assumer toutes les fautes attachées au tournage d’un film (et même de deux). En assumant ces fautes manifestement absurdes, il se met à la place du quidam qui doit les subir dans la vie réelle, et s’expose volontairement à la punition du régime[^1].

[^1]: Détenu l’année suivante dans la prison d’Evin, il a dû entamer une grève de la faim pour être libéré sous caution le 3 février 2023.

Vues : 0