Effets secondaires (Steven Soderbergh, 2013)
Un film construit pour qu’on ne puisse en tirer aucune conclusion définitive : un thriller aporétique.
Peu importe que ce film soit annoncé comme le dernier de Steven Soderberg, et peu importe que ce quasi-testament puisse être vu comme le jeu baroque d’un cinéaste qui n’a plus rien à dire ni à montrer. Ce ne sont pas les effets de style ni les revirements en tous genres qui retiennent notre intérêt. Apparemment, Emily n’a pas de chance : ses parents ne s’intéressent pas à elle, son mari passe quatre ans en prison pour une sombre affaire de délit d’initié, et en plus elle semble dépressive et suicidaire. Prise en charge par une première psychiatre, Victoria Siebert, puis par un second, Jonathan Banks, elle ressemble à la victime idéale. Sur les conseils de sa collègue, le psychiatre fait sur elle quelques essais de médicaments grassement rémunérés par le labo. Et voilà que se déroulent les conséquences : effets secondaires, tentatives de suicide, somnambulisme, et finalement meurtre du mari. On peut croire que Soderbergh avait quelque chose à dénoncer. Mais ça n’est pas ça. Après plusieurs retournements de situation qu’il serait trop long de raconter ici, la manipulée se révèle finalement manipulatrice. C’est elle qui a tout monté, qui a trahi Victoria avant de précipiter Banks dans la déchéance professionnelle. Mais elle est tombée sur plus rusé qu’elle : Banks la dénonce au final pour ce qu’elle est, manipulatrice et femme fatale. Et voilà que le film à thèse bien-pensant se transforme en petit jeu mysogyne.
Alors finalement qu’est-elle, la jolie Emily au fin visage triste ? Malgré la chute du film, aussi invraisemblable que rapide, elle restera jusqu’au bout tout à la fois : abandonnée, courageuse, menteuse, ambitieuse et cynique, naïve et calculatrice, celle qui dans le même temps révèle sa propre immoralité, les turpitudes et les égoïsmes des autres. En elle s’accumulent les contradictions qui ne pourront jamais se résoudre. Avec ce héros aporétique, Steven Soderbergh déconstruit la vérité.