Cafe Müller (Pina Bausch, 1978-2008)
« Il faut porter l’autre », un commandement amoureux, indispensable, irréalisable, indéfiniment répété, impossible et nécessaire
« Il faut porter l’autre », un commandement amoureux, indispensable, irréalisable, indéfiniment répété, impossible et nécessaire
Une hospitalité tellement fragmentée, menacée, impossible, qu’elle ne peut se réfugier que dans l’œuvre – et alors celle-ci l’affirme sans réserve, inconditionnellement
Il ne suffit pas de vouloir atténuer ses fautes pour accéder au monde du sans-calcul, du sans-condition
Porter l’autre, en prendre le deuil, dans l’espoir de donner à ce qui aura été vécu une signification supplémentaire<<<;
Amalgamer les ingrédients les plus usuels du cinéma pour forclore toute interprétation rationnelle.
Entre deux gardiens de l’inconditionnel, la rencontre est aussi fatale qu’impossible.
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Il faut, pour un deuil, partager la mémoire, la parole, le corps et les secrets du mort.
Pour quiconque, il peut arriver qu’une décision souveraine, inconditionnelle, invite à la mutation, la transformation, l’hybridation.
Un film construit pour qu’on ne puisse en tirer aucune conclusion définitive : un thriller aporétique.
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
Une tragédie hétéro-thanato-graphique : « Tu es en deuil de toi-même, il faut que je te porte ».
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Il faut, pour surmonter sa culpabilité, faire l’expérience de l’impossible.
On ne peut répondre à la cruauté, inexplicable et injustifiable, que par un au-delà de la cruauté, tout aussi inexplicable et injustifiable.
N’étant ni mort ni vivant, le disparu ne s’efface jamais; nul ne peut limiter sa présence, ni empêcher qu’elle se renouvelle.
Un monde clos dont les bords ne s’étendent qu’au prix d’une étrange et incontrôlable transformation.
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Trouver le coupable, c’est impossible, mais ne pas trouver de coupable, c’est intenable, insupportable.
Par la grâce d’une amnésie purificatrice qui annule les fautes, innocente, immunise du passé – on peut recevoir le pardon.
Au vivant inconditionnellement étranger à « notre » monde (l’autiste), on ne peut répondre que par l’exception, elle aussi inconditionnelle : « Je dois te porter ».
Un film qui démontre l’impossibilité de l’art, et creuse son tombeau.
On ne peut espérer communiquer avec un mort qu’à travers un dispositif de mémoire, un artefact, mais c’est impossible, ça ne marche pas, le récit reste inachevé.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.