Tu n’as jamais perdu de vue « l’éthique même » (adresse à Jack Y. Deel)
Je sais que tu n’aimes pas ce mot, éthique, il te rappelle un peu trop les contraintes du vivre ensemble, les groupes, les grégarisme, les communautés et tout ce qui va avec, négations du singulier, enfouissements de l’unique, petits et grands pouvoirs, je sais que tu hésites à l’employer, et je sais aussi que malgré ces réserves, tu ne l’as pas banni de ton vocabulaire, tu en as fait un (rare) usage supplémenté par d’autres mots comme inconditionnalité, principe, déclaration, impératif, commandement, tu en as évoqué obliquement la nécessité par des locutions comme « il faut » ou « il aura fallu », et finalement tu te seras rallié à l’expression choisie par Emmanuel Levinas, l’éthique même, ce qui est encore plus que l’éthique, au-delà de l’éthique. Ce choix aura été, me semble-t-il, le symptôme d’un virage dans ton œuvre, un virage inavoué mais continu, un tournant pas très simple, dédoublé, tournoyant, qui t’aura conduit à titrer, dès 1988 et jusqu’à la fin (octobre 2004), ton travail par une autre expression : questions de responsabilité, qui n’est pas sans rapport avec l’éthique, oserai-je dire ton éthique, malgré tes contournements et tes prises de distance. En mettant ce mot au pluriel, éthiques, je banalise ton propos mais je ne crois pas en trahir l’essentiel.