Judéités, innocence perdue

Depuis Gaza, il n’est d’avenir pour les Juifs qu’à prendre acte de l’innocence perdue

    Quand on écrit « Gaza », aujourd’hui, sans autre précision, on évoque la destruction des habitations, des hôpitaux, des infrastructures, les meurtres de femmes et d’enfants, la disparition de familles entières, les pénuries, la famine, etc. Le mot se suffit à lui-même, et son corrélat est connu : la culpabilité d’Israel, indéniable, incontestable, massive, généralisée. On peut relativiser cette culpabilité, on peut trouver des excuses, des explications, des parallèles, mais on ne peut pas s’en débarrasser. Tous ceux qui se réclament du judaïsme ou des différentes judéités, à un degré ou un autre, doivent faire avec. Les Juifs n’ont jamais été innocents. Aucune peuple ne l’est, aucune collectivité, aucune individu, mais ils se sont crus tels et ils avaient de bonnes raisons : quel autre peuple a survécu plus de deux millénaires sans protection militaire, sans État, sans autre argument que la tradition, l’étude et la persévérance dans l’être ? Mais voilà, la malédiction de l’État-nation s’est abattue sur eux. Il fallait soudain une terre, des institutions, des frontières, une armée, des certitudes, des doctrines, des intérêts, ce dont les Juifs s’étaient passés depuis si longtemps, et peu à peu cette folie nationale est devenue majoritaire, dominante. La nationalisme, en général, est une sorte de délire, et Israel n’y a pas échappé. La question aujourd’hui se pose pour tous ceux qui se réclament de cette tradition : comment vivre avec l’innocence perdue ? C’est une question ouverte, peut-être sans réponse, peut-être insoluble., mais elle est, comme on dit, incontournable. 

    Faute de mieux, je propose de trouver quelques réponses dans le cinéma, tout le cinéma : palestinien et israélien, anticolonial et mainstream, politique et religieux, tragique et burlesque, propagandiste et descriptif, etc, sans accepter aucune censure, sans se laisser aller à aucune préférence. Je ne sais pas ce que j’y trouverai, je ne suis pas sûr d’y trouver grand-chose, je suis aussi désespéré que traumatisé, aussi velléitaire que déterminé mais c’est ainsi, je n’ai pas d’autre chemin.

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