L’hospitalité trouve un lieu, une demeure dans l’œuvre
Il est très difficile, voire impossible, dans la vie réelle, de mettre en pratique une véritable, authentique hospitalité, mais cela n’empêche pas de l’évoquer. C’est ainsi qu’un film qui dénonce la faillite de l’hospitalité, comme par exemple Bushman de David Schickele (1971), peut être considéré, en tant que film, comme une marque réussie d’hospitalité. Ce film américain tourné aux Etats-Unis par un réalisateur américain accueille de la manière la plus radicale, inconditionnelle, le personnage Gabriel et son acteur Paul Eyam Nzie Okpokam. Celui-ci est reconnu pour son intelligence, son humour, sa lucidité, qui contraste avec les ambiguïtés de ses interlocuteurs, ou partenaires locaux. Le film accepte de se vider de toutes les certitudes états-uniennes pour mettre en valeur une autre culture. Un autre film, Les Indes galantes (Philippe Béziat, 2021), montre un retrait analogue. A l’initiative de Clément Cogitore, les danseurs hip-hop s’approprient la musique baroque de Jean-Philippe Rameau. L’hospitalité se répète à plusieurs niveaux : par les danseurs à l’égard de la musique (2017); par Clément Cogitore à l’égard des danseurs; par Stéphane Lissner (directeur de l’opéra) à l’égard du travail présenté par Clément Cogitore; par le public à l’égard de ce mélange lui-même baroque (et malgré quelques sifflets). Au final, c’est bien d’une hospitalité inconditionnelle qu’il est question, hospitalité qu’on trouve aussi chez certains documentaristes, par exemple Frederick Wiseman lorsqu’il filme une bibliothèque (Ex Libris, 2017) ou un hopital psychiatrique (Titicut Follies, 1967). Il n’interviewe pas, ne questionne pas, laisse parler. Il fait tout ce qu’il peut pour se retirer, apparaître le moins possible. Dans les moments où il ne contrôle plus ce qui vient, arrive cette hospitalité.