Le viol est impardonnable, irréparable, il blesse irrémédiablement la personne, produit dans son monde une effraction, une fracture définitive
Il est un film dans lequel cette effraction, cette perte du monde, s’exprime et se concrétise de la façon la plus explicite : Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991). On comprend, par allusion, que Louise a été violée au Texas; elle ne veut plus jamais, à aucun prix, remettre les pieds dans cet Etat. Ce monde, elle l’a quitté et ne pourra jamais y retourner. La question du viol étant revenue dans l’autre Etat où elle habite désormais, l’Arkansas, elle doit s’en aller, traverser l’Oklahoma, le Colorado, l’Arizona, dans l’espoir d’arriver au Mexique. Ayant subi une tentative de viol, n’ayant que mépris et dégoût pour son mari, Thelma ne peut que l’accompagner, et lorsque la police se rapproche d’elles, les capture presque, elles n’ont d’autre choix que d’en finir une fois pour toutes. Au fond, elles ne décident rien, elles prennent acte de l’effacement de tout lieu où elles pourraient vivre. On retrouve la même destruction du monde pour la dénommée A dans L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961), ou pour Sylvia dans Memory (Michel Franco, 2024). Après le viol, il faudrait reconstruire un monde, mais ça ne marche pas.