Hospitalité factice

Accueillir l’autre en privilégiant ses propres valeurs, chez soi, c’est une hospitalité fausse, factice

C’est une idée normale, courante, largement partagée : Toi l’étranger, l’autre, je veux bien t’accueillir, à condition que tu te conformes à mes habitudes, mes valeurs. Je veux bien que tu me rendes visite, voire que tu t’installes chez moi, mais j’exige de toi une contrepartie : tu dois te comporter exactement comme moi. Si tu appartiens déjà, par ton attitude, à ma famille ou ma communauté, alors je veux bien que tu rejoignes cette famille ou cette communauté. Mais alors, est-ce encore l’étranger, l’autre, que j’accueille, ou bien ne s’agit-il que d’un clone de moi-même ? Dans le film Bushman (David Schickele, 1971), le Nigérian qui visite l’Amérique parle parfaitement l’anglais, avec un très léger accent. C’est un spécialiste de littérature anglaise élevé dans le christianisme capable d’enseigner aux jeunes Américains leur propre culture, et qui devine ce que ceux-ci vont dire avant même qu’ils n’aient ouvert la bouche. Mais tout cela ne suffit pas, sa nationalité et sa couleur de peau suffisent pour qu’on l’accuse d’un acte qu’il n’a pas commis. Il en va de même pour Le locataire de Roman Polanski, plus français que les français mais qui a le défaut de se nommer Trelkovsky, un nom de Juif polonais qui le marque définitivement comme étranger, c’est-à-dire inintégrable. Malgré tous ses efforts, une différence minuscule suffit pour qu’il soit isolé, accusé par tout l’immeuble. Il n’y a pas plus illusoire qu’une conformité qui peut toujours être récusée.

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