Le bled (Jean Renoir, 1929-30)
Détourner le contexte colonial pour glorifier le sentiment amoureux.
Ce film mineur et muet, dont (paraît-il) Renoir avait honte, présente un certain intérêt documentaire :
- on y voit la façon dont l’Algérie de l’époque était perçue (un endroit où l’on peut faire fortune si l’on travaille beaucoup). En réalité c’est un film de propagande, commandé par l’Etat français pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie : rien de bien glorieux.
- on y voit une chasse à la gazelle assez réaliste et quelques faucons authentiques. Cette scène est probablement filmée d’une voiture et non d’un cheval, mais ça vaut le coup d’oeil (décors naturels).
- par beaucoup d’aspects, le film préfigure la Règle du jeu (1939), mais au prix d’une inversion (La Règle du jeudit le vrai là où Le bled ment effrontément),
- le véritable intérêt documentaire du film réside peut-être tout simplement dans sa banalité. Deux jeunes gens esseulés se rencontrent par hasard, ont un coup de foudre, héritent d’un paquet d’argent, s’aiment et se marient malgré quelques méchants dont ils se débarrassent au plus vite.
En somme, la mise en pratique la plus simple de l’énoncé le plus simple : Il me faut un complémentaire de l’autre sexe. Cet énoncé (le plus banal qu’on puisse imaginer), est le principal, voire l’unique énoncé, que le cinéma triture dans tous les sens : le confirmant, le ridiculisant, le niant, etc…1 Dans ce film, le contexte colonial est détourné pour glorifier le sentiment amoureux. Qu’importe le reste?
- Même si l’idée de « complémentaire » est abandonnée, et même si « l’autre sexe » n’est plus indispensable (s’il s’agit du même), c’est encore souvent, aujourd’hui, la même idéalisation qui est à l’œuvre. ↩︎