Boarding Gate (Olivier Assayas, 2006)
Rien ne peut arrêter une femme qui veut démontrer l’impuissance masculine
Une ex-call girl italienne, Sandra1, revoit son ancien amant Miles2, un financier international. Leur relation est faite de fascination et répulsion mutuelle, d’attraction sexuelle et pécuniaire qui les conduit à des jeux dangereux et des rapports pervers. Après avoir assassiné Miles et en raison de sa propre implication dans un trafic de drogue, Sandra est obligée de partir pour Hong Kong, où elle échappe elle-même plusieurs fois à des tueurs, puis découvre qui est le véritable commanditaire du meurtre qu’elle a commis.
La différence entre ce film d’auteur et un vulgaire film de série B, c’est qu’il renonce à toute vraisemblance. L’histoire se passe-t-elle à Paris ou à Londres ? Sandra aime-t-elle Miles ou non ? Comment a-t-elle fait pour se procurer de la drogue ? Comment Lester (le chinois) s’en est-il aperçu ? Si vraiment elle accepte de tuer Miles par intérêt, est-il imaginable qu’elle se contente d’une simple promesse (des parts dans un club à Pékin) et se laisse manipuler avec autant de légèreté ? Est-il possible qu’elle s’enfuie de cette manière à Hong Kong et qu’elle se jette dans la gueule du loup ? etc etc. La liste des invraisemblances est si longue qu’elle ne présente aucun intérêt. Ceux qui critiquent ce film au nom du récit n’ont rien compris : il ne s’agit pas de ça. La piste « film de série B » est une fausse piste. La fiction n’est qu’un prétexte. La cohérence du film est ailleurs. Alors, de quoi s’agit-il ? D’une histoire d’amour sado-masochiste, à mettre en série avec d’innombrables autres films sado-masochistes, comme, par exemple, La femme coupée en deux, de Claude Chabrol, sorti à la même époque ? C’est déjà plus crédible, mais c’est aussi trop simple.
Je parierai plutôt sur l’idée d’un film fantasmatique. Sandra commet un meurtre sans tenir compte du fait qu’elle a un commanditaire. Elle fait comme si c’était pour elle, pour se venger, et au fond il ne s’agit que de ça, que d’elle-même. La vengeance d’une femme, il n’y a rien de plus implacable, comme Doillon l’a montré dans le film éponyme ou Denis Dercourt dans La tourneuse de pages. Rien ne peut arrêter une femme qui veut démontrer l’impuissance masculine, surtout si elle n’accepte de se donner à un homme qu’à condition qu’il meure. Peu importe qu’il meure pour d’autres raisons, à cause d’un complot venu d’ailleurs, cette mort colle quelque part avec son fantasme à elle, et c’est pourquoi le film marche.