Je tu il elle (Chantal Akerman, 1974)
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
Transformer son identité, brouiller les genres, cela n’efface ni la faute ni la dette, mais cela peut ouvrir, pour d’autres, un « pas au-delà », une épiphanie
Une rencontre qui, dans un moment d’incertitude, préserve le mystère de l’autre, son secret, son énigme
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Le jugement final, c’est que nul ne peut témoigner de la vérité.
Un cumul de dédoublements, d’incertitudes, de flottements, pour un film sans colonne vertébrale qui circule entre les genres
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
Il reste aux femmes qui se retirent de la domination masculine à vivre dans l’incertitude.
Entre une vie, un récit, une fiction, les bordures sont vivantes : incertaines, changeantes, imprévisibles.
Un fil caché aussi ambigu qu’un pharmakon, qu’un hymen.
Pour chaque jeune fille, se pose pour la première fois, à nouveaux frais et singulièrement, l’énigme de la sexualité.
Je suis double mais l’autre en moi, mon jumeau, est déjà mort » – un dédoublement qui ne franchit pas la limite du « deux.
Il faut, pour survivre, prendre tous les rôles, se déguiser jusqu’à épuisement.
Il s’est souvenu d’autres vies et d’autres mondes qu’il a portés; un autre vivant surviendra, peut-être, pour les porter à nouveau.
Quand l’amour se décide, la trace se retire, elle s’efface – il faut plonger dans l’incertitude.
Esquisse d’une autre communauté où l’éthique des singularités prévaut sur la solidarité de groupe.
Un monde clos dont les bords ne s’étendent qu’au prix d’une étrange et incontrôlable transformation.
« Pour te venger, effacer tes dettes, il faut que tu t’en souviennes, même si, dans la pure présence, tu ne peux te souvenir que de rien ».
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
La nostalgie d’une extériorité impossible, dont il faut faire son deuil.