Memory (Michel Franco, 2024)
Les souvenirs peuvent céder place à une autre mémoire, une archi-mémoire, une insaisissable pulsion amoureuse
Les souvenirs peuvent céder place à une autre mémoire, une archi-mémoire, une insaisissable pulsion amoureuse
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Ce qui reste de paradis (perdu, oublié par les humains) ne survit que par la corruption et la mort, à travers le sang que prélèvent les héritiers (Adam & Eve)
Entre voyeurisme et restitution, préserver la trace hybride de ce qui s’efface, flotte, se transforme, résiste, survit, renait
Un événement évanescent, indéterminé, sans témoin crédible ni trace, on peut l’évoquer, en faire un film, un pur film, en multiplier les interprétations
Il faut, pour un deuil, partager la mémoire, la parole, le corps et les secrets du mort.
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Pour ceux qui ont vécu la Shoah, la vie s’est arrêtée : il ne reste plus que des survivants.
« Pour te venger, effacer tes dettes, il faut que tu t’en souviennes, même si, dans la pure présence, tu ne peux te souvenir que de rien ».
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Où une fiction circulaire scelle l’alliance autobiographique du cinéma avec un « je ».
Là où des cadavres se nourrissent de cadavres, ça ne fait plus monde, c’est sans monde.
Une allégorie de la traduction du monde en film ou du film en monde.
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
L’instant pour moi le plus décisif, celui dont je désire le retour avec le plus d’intensité, c’est celui de « ma mort », dont je me souviens sans l’avoir vécue.
Nul n’est innocent, il y a toujours un gouffre dans lequel chuter.