The Brutalist (Brady Corbet, 2024)
Il faut, pour aller vers sa propre destination, la violence de l’autre
Il faut, pour aller vers sa propre destination, la violence de l’autre
Le rêve du réalisateur : une caméra qui, se faisant passer pour un spectre, possède la faculté d’intervenir sur ce qu’elle filme
Il aura fallu un cadre unique, fixe, stable, pour faire du domicile le lieu où s’incarne la phrase : « Il n’y a pas de chez soi »
Seule la femme du dehors est digne d’alliance, mais jamais elle n’est disponible : elle éblouit, se dérobe et disparait
Pour pallier l’épuisement du « chez soi », on multiplie les ornements, les plats, les cadeaux et les chansons nostalgiques, mais ça ne marche pas, on n’est plus nulle part
Où la passion du toucher rejoint la passion d’emprise, fantasmatique ou défensive
Fuir par le voyage ouvre sur une extériorité factice : parodie du tourisme filmé, circularité, plaisir du pastiche, répétition de soi qui mène à l’effacement
Fini de jouer! Sans chez soi ni extériorité, sans passé ni avenir, plus rien ne protège de la cruauté du monde
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Aux lettres d’amour maternelles, elle répond par la plus impersonnelle des répliques : une longue video postale
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Il y a en moi une violence élémentaire, incontrôlable, qui me fait haïr le lieu où j’habite, ma famille; ne pouvant y échapper, je n’ai pas d’autre choix que le meurtre
À défaut de « chez soi », on peut espérer, par l’amour, un lieu stable, familial, rassurant – dont on puisse librement s’éloigner
Là où j’ai vécu, je ne suis plus chez moi, un cycle de vie s’épuise, du nouveau arrive de l’extérieur et s’impose à moi
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
Pour ouvrir un autre monde, à venir, il ne faut pas reproduire ce monde-ci.
Malgré les échecs, les refus, les démentis, persiste une confiance mystérieuse en l’autre.
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Dire oui à l’amitié jusqu’à bâtir l’oiseau de bois, au confluent de la combe magique.
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Tenter de réunir des fraternités irréconciliables sans les contester de l’intérieur conduit à la paralysie, la tragédie, l’autodestruction.
Une expérience d’hospitalité, même forcée, ça peut conforter le chez soi, faire du bien.
Du seul moment qui compte, la naissance, on ne peut rien dire ni rien se remémorer.
Pour faire la charité, il faudrait déjà être chez soi, et pour offrir l’hospitalité, il faudrait déjà accepter la loi de l’autre.