Fermer les yeux (Victor Erice, 2023)
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
À une exigence de fidélité venue d’ailleurs, des ascendants ou d’Afrique, on ne peut répondre que par un sacrifice, ou à défaut en pleurant.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Archi-amour : ce sont tes dettes que j’acquitte, sans condition ni justification, au bénéfice d’un tiers.
Il faut, pour sauver les livres, sacrifier et sa mort et sa vie, mourir pour que vive l’à-venir des livres
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
Quand l’ancrage territorial et temporel du cinéma risque de s’effacer, il faut attacher sa ceinture et continuer.
Dans les marges périphériques où le monde se perd, il n’y a personne pour me porter.
Dans un monde qui se déconstruit, il est tentant de se ruer sur les plaisirs, au risque d’aggraver le mal.
Un monde s’en est allé, il n’en reste rien d’autre que cette femme, la folle, l’exclue, qui ébranle à jamais « notre » monde.
Nettoyer, dans un pur linceul, la crainte et la culpabilité.
Et le spectre déclara à Madame Muir : “Il faut que je te porte”.
Quand le monde se délite, il faut préserver l’ultime courage : porter l’enfant à naître.
En portant l’enfant mort, le voyant fait le deuil de ce que lui-même a été.
Une cruauté gratuite qui s’exerce sans conflit, sans lutte de pouvoir, sans faute, sans intérêt, sans responsabilité ni culpabilité.
Il vaut mieux accompagner, porter, l’inarrêtable hybridation du monde.
L’utopiste, qui veut tout prévoir, n’attend plus rien de l’avenir.
Enfermé dans un lieu clos, hors-monde, inhabitable, il le transforme en déchetterie où il s’auto-détruit.
Au bout du compte, le dernier mot appartient au cinéma, car malgré tout, il porte encore la promesse.