A bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1959)
Déjà mort, faisant le deuil de lui-même, il peut transgresser les interdits, effacer les dettes et les engagements, désirer sans condition un amour impossible
Déjà mort, faisant le deuil de lui-même, il peut transgresser les interdits, effacer les dettes et les engagements, désirer sans condition un amour impossible
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Dans l’obscurité de la nuit, un autre amour peut surgir, imprévu, inespéré, inexprimé, d’une intensité inouïe, et disparaître aussitôt
Sans habitat, sans passé, sans futur, sans monde, il ne reste que les pleurs
D’autres regards vivants, angoissés, désespérés, inouïs, inaccessibles, intraduisibles, émergent des marges de la ville.
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Pour chaque jeune fille, se pose pour la première fois, à nouveaux frais et singulièrement, l’énigme de la sexualité.
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Les seuls amis qui me restent sont ceux qui ne répondent pas.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
Une figure de défilement routier fait le lien entre les éléments d’un récit dont la diffraction est irréductible.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Pour qui aime sans calcul ni condition, sans exiger aucune réponse, un coup peut être ressenti comme un baiser.