Les Damnés ou la chute des Dieux (Luchino Visconti, 1969)
Pour transgresser sans limite les lois et normes courantes, la violence nazie prend appui sur une autre violence, familiale, qui laisse libre cours à toutes les perversions
Pour transgresser sans limite les lois et normes courantes, la violence nazie prend appui sur une autre violence, familiale, qui laisse libre cours à toutes les perversions
Il y a en moi une violence élémentaire, incontrôlable, qui me fait haïr le lieu où j’habite, ma famille; ne pouvant y échapper, je n’ai pas d’autre choix que le meurtre
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
À la jonction, excessivement calculable, du mal radical et du politique
À travers ses manifestes, l’art en personne déclare : « Sauf l’art, rien ne peut être sauvé »
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
il y a dans ce film quelque chose de nazi : l’entrée en scène d’un monde absolument dépourvu d’avenir
Notre monde s’efface, s’arrête, ce qui arrive est obscur, inconnu, absolument indéterminé.
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
On ne peut répondre à la cruauté, inexplicable et injustifiable, que par un au-delà de la cruauté, tout aussi inexplicable et injustifiable.
Dans un monde sans salut possible, sans rédemption, sans promesse, sans avenir, il n’y a pas d’extériorité, on ne peut que revenir dans sa cage.
Avec le nazisme, il n’y a plus ni père ni fils, ni mère ni enfants, mais une seule chair qui ne peut que vivre et disparaître en même temps.
Quand le mal radical répond, c’est dans la langue intraduisible d’un sacrifice terrible, inaudible, impardonnable
Monstrueuse la tragédie d’un fils naturel dont on attend qu’il assassine une mère déjà morte, un père déjà suicidé, au prix de sa vie.
Qui parasite l’autre prend le risque d’être parasité par l’autre.
L’œil-caméra comme système d’aveuglement, qui ne fonctionne que pour mettre à mort ce qu’il filme.
Pour se sauver, il faut affronter l’impardonnable.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
Là où des cadavres se nourrissent de cadavres, ça ne fait plus monde, c’est sans monde.
La pure souveraineté du mal radical, sans justification ni explication, face à la pure souveraineté du rejet de la peine de mort.
Les nazis sont arrivés au pouvoir car le vieux monde s’était déjà effondré.