Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974)
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Aux lettres d’amour maternelles, elle répond par la plus impersonnelle des répliques : une longue video postale
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Une rencontre qui, dans un moment d’incertitude, préserve le mystère de l’autre, son secret, son énigme
Nul n’est épargné par l’impardonnable; il engendre une dette infinie, irréparable, que rien ne peut atténuer
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Le jugement final, c’est que nul ne peut témoigner de la vérité.
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
Ce qui fait la beauté irremplaçable du film et aussi sa faille, c’est que rien ne transpire du secret.
Notre monde s’efface, s’arrête, ce qui arrive est obscur, inconnu, absolument indéterminé.
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
La version hip hop du lien communautaire (Geschlecht), son empoisonnement, sa corruption et sa dislocation.
Complaisamment j’exhibe toutes les facettes de mon image, afin de protéger mon secret.
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
Quand le mal radical répond, c’est dans la langue intraduisible d’un sacrifice terrible, inaudible, impardonnable
Il faut préserver le rapport sexuel, car c’est le seul rempart contre un ennui mortel.
Il faut, pour faire son deuil, spectraliser le mort, car porter un cadavre en soi, avec soi, est mortifère ».
Quand le consentement meurtrier, banalisé, ne dérange plus personne, la responsabilité devient un danger mortel.
Il faut, pour vivre, faire son deuil de l’amour d’avant l’amour, l’archi-amour.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
Quand la mise en acte d’une justice inconditionnelle, non négociable, appelle une solidarité sans réserve.
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Une expérience d’hospitalité, même forcée, ça peut conforter le chez soi, faire du bien.
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
Ce qui reste silencieux ne peut s’écrire que dans une langue étrangère, intraduisible.
Pour qui aime sans calcul ni condition, sans exiger aucune réponse, un coup peut être ressenti comme un baiser.