Eat the Night (Caroline Poggi et Jonathan Vinel, 2024)
Fini de jouer! Sans chez soi ni extériorité, sans passé ni avenir, plus rien ne protège de la cruauté du monde
Fini de jouer! Sans chez soi ni extériorité, sans passé ni avenir, plus rien ne protège de la cruauté du monde
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Aux lettres d’amour maternelles, elle répond par la plus impersonnelle des répliques : une longue video postale
Quand s’arrête le mouvement de la différance, quand s’épuise la supplémentarité, alors l’artiste meurt, fasciné par la beauté – mais un autre artiste (Visconti) peut prendre la suite
Exhiber, par la mise en jeu d’un corps nu, les ressorts cachés d’une soumission qui épuise la personne, la vie sociale, anéantit l’avenir
Là où j’ai vécu, je ne suis plus chez moi, un cycle de vie s’épuise, du nouveau arrive de l’extérieur et s’impose à moi
Une rencontre qui, dans un moment d’incertitude, préserve le mystère de l’autre, son secret, son énigme
Sans habitat, sans passé, sans futur, sans monde, il ne reste que les pleurs
Le délire de souveraineté détaché du monde, ni crédible ni légitime, ne peut conduire qu’à l’autodestruction
« Je suis mort », dit-il en annulant tout engagement, tout devoir, toute dette, y compris la promesse amoureuse de celle qui voudrait le rejoindre en offrant, elle aussi, « ma mort »
Un cumul de dédoublements, d’incertitudes, de flottements, pour un film sans colonne vertébrale qui circule entre les genres
Chaque jour ton corps change, tu es la même personne sans l’être et tu peux te réveiller tout·e autre.
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Par-delà la vengeance, la destruction des corps, des croyances et des superstitions ennemis, s’ouvre un avenir sans ressentiment ni compensation, sans désir de puissance, ni viril ni phallique.
Les décisions majeures s’imposent d’elles-mêmes; aucun calcul, raisonnement ni intérêt ne suffit à les justifier.
Il reste aux femmes qui se retirent de la domination masculine à vivre dans l’incertitude.
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
Ce qui fait la beauté irremplaçable du film et aussi sa faille, c’est que rien ne transpire du secret.
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
Pour ouvrir un autre monde, à venir, il ne faut pas reproduire ce monde-ci.
Entre l’œuvre, la vie, la mort, il faut que la frontière reste indécise, indéterminée, infranchissable.
Pour qu’advienne le « oui », il faut se laisser aller à un cheminement vide, vacant, et implorer.
Ce qui reste silencieux ne peut s’écrire que dans une langue étrangère, intraduisible.
En jouant son propre effacement, le réalisateur revendique et assume sa responsabilité.
Enfermé dans un lieu clos, hors-monde, inhabitable, il le transforme en déchetterie où il s’auto-détruit.