Catégorie : Mort/Vie
Le Salaire de la Peur (Henri-Georges Clouzot, 1953), Sorcerer (William Friedkin, 1977)
Pour qui est déjà mort (socialement, humainement), il n’y a pas de retour possible
Sirāt (Óliver Laxe, 2025)
Rencontrer la mort sur le chemin détourné d’une danse, une fête, une jouissance tragique
Fantôme utile (Ratchapoom Boonbunchachoke, 2025)
Les fantômes qui exigent la justice ne se laissent pas effacer, oublier, leur présence insiste et s’ils se rassemblent, ils peuvent transformer le monde des vivants
Miroirs n°3 (Christian Petzold, 2025)
On ne peut pas compenser la culpabilité d’avoir causé ou laissé venir la mort, mais on peut marcher, franchir un pas au-delà
The Idiots (Lars Von Trier, 1998)
Il aura fallu, pour renaître, en passer par un lieu de confusion, d’effacement, de non-savoir : idiotie, bêtise, handicap mental
Cronos (Guillermo del Toro, 1993)
Ce n’est pas le mourant qui a le plus à perdre, c’est le vivant éternel, qui ne peut pas solder ses dettes
Alpha (Julia Ducournau, 2025)
Dans un monde déréglé, sans lien social ni valeurs, on ne peut s’appuyer que sur une famille étroite, et des corps quasi morts
The Life of Chuck (Mike Flanagan, 2025)
L’adage : « Quand un vivant disparaît, un monde disparaît avec lui » – pris aussi littéralement que possible
Valeur sentimentale (Joaquim Trier, 2025)
Une présence obscure, enfouie, aura incrusté entre le père et la fille un archi-lien, une quasi-télépathie
White Snail (Elsa Kremser et Levin Peter, 2025)
Une amitié suspendue à la ligne fragile qui sépare la vie de la mort – ne peut pas durer
Legend of the Happy Worker (Duwayne Dunham, David Lynch, 2025)
Pour continuer à vivre, il faut renoncer à poser la question : « Pourquoi ? »
Une femme douce (Robert Bresson, 1969)
Un amour irraisonné, surgi inopinément, c’est un danger, une perte de contrôle qui peut être mortelle
Model Shop (Jacques Demy, 1969)
L’amour inconditionnel, ce n’est pas le début d’une histoire à venir, c’est la fin d’une histoire où rien n’est arrivé
Nuits blanches (Luchino Visconti, 1957), Quatre Nuits d’un Rêveur (Robert Bresson, 1971)
Il n’y a pas de justice en amour
L’accident de piano (Quentin Dupieux, 2025)
Le système de l’Internet forclot la douleur, et aussi la singularité, l’intimité, l’insu, l’inconscient, etc.
Baal (Bertolt Brecht, 1919, Volker Schlöndorff, 1970)
Le rejet de toutes les valeurs par un personnage obscène, inqualifiable, fait advenir un amour irrésistible, injustifiable, intenable, qui ne trouve de réciprocité que dans la mort
Scénario (Jean-Luc Godard, Jean-Paul Battaggia, Fabrice Aragno, Nicole Brenez, 2024)
Anticipation d’un film dont la toute dernière partie reste à venir
Le Procès (Orson Welles, 1962)
Nous sommes affectés par une culpabilité originelle, irréparable, qui ne peut être ni compensée, ni sanctionnée
Les Espions (Henri-Georges Clouzot, 1957)
De ce monde inexplicable, insensé, où il faut bien vivre, on ne peut témoigner qu’en silence
La Prisonnière (Henri-Georges Clouzot, 1968)
Testament de Clouzot : Il appartient à tout cinéaste digne de ce nom d’honorer un statut d’exception : le droit de se soumettre à sa guise, sans loi ni limite, les acteurs, personnages et autres items d’un film
L’Enfer (Henri-Georges Clouzot, 1964, Claude Chabrol, 1994, Serge Bromberg, 2009)
Axiome de Clouzot : « Ayant un droit d’emprise sur tous les éléments d’un film (personnes et choses), j’ai aussi le droit souverain, inaliénable, de le·s mettre à mort »
Chime (Kiyoshi Kurosawa, 2024)
Un appel sans source, ni origine, ni signification, ni cause, ni enjeu – ne peut conduire qu’à la destruction : de soi et de l’autre
Quadrilogie de l’éthique à venir : La Double Vie de Véronique, Bleu, Blanc, Rouge (Krzysztof Kieślowski, 1991-94)
Pour ouvrir une autre éthique, il faut pleurer, implorer
Trois Couleurs : Blanc (Krzysztof Kieślowski, 1994)
À l’amour inconditionnel, rien n’est comparable ni équivalent
Trois Couleurs – Bleu (Krzysztof Kieślowski, 1993)
Un deuil de soi ambigu, qui rend la singularité possible
La Double vie de Véronique (Krzysztof Kieślowski, 1991)
L’essentiel n’est pas l’identité, mais les minces différences qui font de mon double un·e autre, un supplément dont je suis inséparable
Kaïro (Kiyoshi Kurosawa, 2001)
Chacun, solitaire face à l’Internet, peut se transformer en fantôme de l’autre côté de l’écran et disparaître de ce monde-ci (sauf exception)
Fairytale (Alexandre Sokourov, 2022)
Des plus brutaux acteurs de l’histoire, on ne retient que l’impardonnable
No Country for Old Men (Joel & Ethan Coen, 2007)
Au-delà de son intérêt, le tueur souverain érige sa propre loi, une obligation quasi-morale, inconditionnelle, à laquelle il ne peut contrevenir
Les Linceuls (David Cronenberg, 2024) (The Shrouds)
Contourner le deuil en ne retenant de la mort que sa matérialité (pourriture, décomposition)
A Serious Man (Joel et Ethan Coen, 2009)
Un dibbouk qui fait de l’incertitude un principe de vie, une obligation éthique, métaphysique, un pas au-delà du monde
Demon (Marcin Wrona, 2015)
En exigeant une justice impossible à instaurer, le dibbouk interdit l’oubli
Le Dibbouk (Michał Waszyński, 1937)
Celui dont l’avenir aura été déterminé avant la naissance n’aura pas d’avenir, il ne vivra pas
Le Labyrinthe de Pan (Guillermo del Toro, 2006)
Incapable de traverser jusqu’au bout les épreuves, la justice incarnée par l’innocence ne peut que mourir assassinée
Honor de Cavalleria (Albert Serra, 2006)
Le monde qui s’en est allé nous laisse sans orientation : tu n’as pas de chemin pour moi, je n’ai pas de chemin pour toi, mais si tu me suis, nous irons au-delà
Adolescence (série de Jack Thorne, Stephen Graham et Philip Barantini, 2025)
Inexplicable, instable, inclassable, insaisissable, le jeune meurtrier incarne le déséquilibre d’où pourrait surgir une réponse, une nouvelle donne
Histoire de ma mort (Albert Serra, 2013)
Ayant vécu « ma vie » sous le signe de la gratuité, « ma mort » arrive quand à cette place s’impose l’échange, la circulation du sang
Queer (William S. Burroughs, 1952, Luca Guadagnino, 2024)
Il faut, pour cheminer vers le deuil, le soutien d’une addiction, d’une substance pharmacologique
Le gâteau préféré (Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha, 2024)
Un dernier désir au-delà de tout désir : mourir vivant
Possession (Andrzej Żuławski, 1981)
En-deçà de l’amour surgit la violence primordiale, inexplicable, de l’archi-amour
Invasion (Hugo Santiago, 1969)
Une menace extérieure anonyme, impersonnelle, inexpliquée, exige un sacrifice pur, inconditionnel, sans réserve
La Clepsydre (Wojciech Has, 1973)
Comment ne pas trouver son chemin, dans le temps retardé du retour spectral et de la désagrégation du temps
La Grâce (Ilya Povolotsky, 2023)
Un monde en suspens dans un voyage où s’effritent le social, l’autorité, ouvrant la voie à d’autres valeurs, au-delà du deuil
La dernière tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988)
Un Jésus vivant, qui ne cède en rien au sacrifice
Pepe (Nelson Carlo de los Santos Arias, 2024)
Une fable aporétique où la mort du souverain ouvre la possibilité d’une hybridité à venir
A queda do céu (La Chute du Ciel) (Gabriela Carneiro da Cunha & Eryk Rocha, 2024)
Témoigner de la présence d’un peuple par un semblant d’archive
The Brutalist (Brady Corbet, 2024)
Il faut, pour aller vers sa propre destination, la violence de l’autre
Maria (Pablo Larrain, 2024)
D’une voix perdue, absente, on ne peut faire émerger qu’une archi-présence pour toujours enclose, inaccessible, encryptée
Nosferatu, symphonie de l’horreur (Friedrich Wilhelm Murnau, 1922)
Pour sauver la ville de la mort, il faut renoncer à l’amour conjugal pour une autre alliance, mystérieuse, un autre réseau d’allégeance
Presence (Steven Soderbergh, 2024)
Le rêve du réalisateur : une caméra qui, se faisant passer pour un spectre, possède la faculté d’intervenir sur ce qu’elle filme
Ma Vie Ma Gueule (Sophie Fillières, 2024)
Je n’ai rien d’autre à transmettre que ma singularité, ma personnalité, en tant qu’elle est unique, insubstituable
Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992)
Quand le pouvoir souverain, obscur, de la féminité, met en jeu la peine de mort pour s’approprier la puissance phallique
Anatomie d’une Chute (Justine Triet, 2023)
En l’absence de preuve, il faut un témoignage – fût-ce d’un enfant – pour décider, mais le jugement véritable, s’il en est, pourrait venir d’ailleurs
Les Affranchis (Martin Scorsese, 1990) (Goodfellas)
La mafia fait peser sur ses membres une dette illimitée, qu’elle compense par la promesse d’une jouissance gratuite, sans limite
La Chambre d’à côté (Pedro Almodóvar, 2024) (The Room next Door)
Pour mourir dans la dignité, il faut mourir vivant
Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994)
Une pure éthique singulière, inconditionnelle, d’une absolue simplicité, ne peut pas se mesurer à l’injustice
Fotogenico (Marcia Romano et Benoît Sabatier, 2024)
Faire son deuil en préservant, malgré tout, un lieu où la trace du mort peut s’inscrire
Profession Reporter (Michelangelo Antonioni, 1975)
Je ne peux prétendre qu’en vérité, « Je suis mort », qu’en prenant l’identité d’un vivant assez crédible pour dire : « il est mort », mais alors ce « il », ce doit être aussi moi
Noël à Miller’s Point (Christmas Eve at Miller’s Point, Tyler Taormina, 2024)
Pour pallier l’épuisement du « chez soi », on multiplie les ornements, les plats, les cadeaux et les chansons nostalgiques, mais ça ne marche pas, on n’est plus nulle part
L’important c’est d’aimer (Andrzej Żuławski, 1975)
Il faut, pour s’autoriser un amour d’un autre type (inconditionnel), se détacher de tout engagement, se décharger de toute dette
A bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1959)
Déjà mort, faisant le deuil de lui-même, il peut transgresser les interdits, effacer les dettes et les engagements, désirer sans condition un amour impossible
La Fièvre du Samedi Soir (John Badham, 1977)
Pour aller plus loin, au-delà du pont, il aura fallu qu’il se vide, qu’il évacue la charge mentale du narcissisme et de la danse qui entravait sa marche
Pendant ce temps sur terre (Jérémy Clapin, 2024)
De la présence au spectre, il faut payer le prix du passage
Blow Out (Brian de Palma, 1981)
Il ne reste du naufrage du politicien que la trace d’un cri, le deuil de la vérité, de la confiance
Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1967)
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
Joker, folie à deux (Todd Phillips, 2024)
Cinéma de l’extrême dépouillement : deuil de l’illusion, de la duplicité, du populisme, du Joker, du pharmakon et du blockbuster lui-même
Joker (Todd Phillips, 2019)
N’étant rien, le Joker peut tout représenter : le bien comme le mal, le rire comme les larmes, il est le « pharmakon » qui symbolise le chaos comme la justice, le crime et sa réparation
Jeanne Dielman, 183 rue du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Le Dernier Tango à Paris (Bernardo Bertolucci, 1972)
Ce qui, en-dehors de toute règle, s’interpose dans les brèches de la famille, du lien conjugal, est brutal, excessif, traumatisant, destructeur
Saute ma ville (Chantal Akerman, 1968)
Pour survivre à son suicide, il faut être la réalisatrice, pas l’actrice ni le personnage – il en reste un film
No Home Movie (Chantal Akerman, 2015)
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Dahomey (Mati Diop, 2024)
Il faut, pour construire un récit national, faire parler les traces – qui heureusement résistent, gardent leurs secrets
Romance (Catherine Breillat, 1998)
Il faut se retirer de l’amour conventionnel, conjugal, le vider, pour que commence le sexuel, le réel de la vie, l’existence, l’éthique
Faux Semblants (David Cronenberg, 1988)
Quand un corps étranger, digne d’amour, dangereux, fait irruption, il faut restaurer l’unité, neutraliser la scission par l’addiction, la mort
Les Crimes du Futur (David Cronenberg, 1970)
On ne peut pas guérir du « cancer créatif », cette maladie mortelle qui produit toujours, sans raison, de nouveaux organes dont il faut faire le deuil
Videodrome (David Cronenberg, 1983)
L’écran n’est pas extérieur au corps : il le parasite, le colonise, le soumet, le remplace, y ajoute toujours plus de dépendances et de sensations, et enfin survit à sa mort
Septembre sans attendre (Jonas Trueba, 2024)
Il faut, pour porter la tristesse d’une fin d’amour, en garder la trace, l’archive, par une célébration
La trilogie de Visconti sur la souveraineté, dite trilogie allemande (1969-1972) : Les Damnés ou la Chute des Dieux, Mort à Venise, Ludwig ou le Crépuscule des Dieux
Inconditionnelle, la souveraineté est insoutenable mais digne; prise dans les calculs et les compromissions, elle s’auto-détruit dans l’indignité
Mort à Venise (Luchino Visconti, 1971)
Quand s’arrête le mouvement de la différance, quand s’épuise la supplémentarité, alors l’artiste meurt, fasciné par la beauté – mais un autre artiste (Visconti) peut prendre la suite
Pearl (Ti West, 2022)
Il y a en moi une violence élémentaire, incontrôlable, qui me fait haïr le lieu où j’habite, ma famille; ne pouvant y échapper, je n’ai pas d’autre choix que le meurtre
La Trilogie du X-Factor (X – Pearl – MaXXXine) (Ti West 2022-2024)
Une force inconnue, difficilement descriptible, confère à certains actes de certaines personnes une extériorité unique, une capacité à se distinguer du commun, à faire événement
In Water (Hong Sang-soo, 2023)
De la tentative d’effacer tout ce qui fait le cinéma, il reste un film qui donne paradoxalement au cinéma son sens
Ghost Tropic (Bas Devos, 2020)
Là où j’ai vécu, je ne suis plus chez moi, un cycle de vie s’épuise, du nouveau arrive de l’extérieur et s’impose à moi
Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991)
Irréparable, impardonnable, le viol fait trou dans le monde, il ruine la vie et autorise toutes les transgressions.
Ikiru (Vivre) (Akira Kurosawa, 1952)
On peut, en donnant lieu à un supplément pour l’autre, vivre plus que la vie
Vive l’Amour (Tsai Ming-liang, 1994)
Sans habitat, sans passé, sans futur, sans monde, il ne reste que les pleurs
Amour fou (Jessica Hausner, 2014)
Un pacte de suicide où l’appel de la mort détermine l’amour, et non pas l’inverse
Le Prince de Hombourg (Marco Bellocchio, 1997)
Un amour archaïque, irréductible, envers une exigence irrécusable, incontestable, précède et conditionne l’amour courant, socialisable et partageable
Dancer in the Dark (Lars Von Trier, 2000)
Un sentiment de culpabilité, enfermé dans un cycle de dette incontrôlé, peut conduire à l’injustice la plus radicale, effacer tout autre désir, toute autre éthique
La Bête (Bertrand Bonello, 2024)
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Aguirre, la colère de Dieu (Werner Herzog, 1972)
Le délire de souveraineté détaché du monde, ni crédible ni légitime, ne peut conduire qu’à l’autodestruction
Le Déserteur (Dani Rosenberg, 2023)
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961)
Un événement évanescent, indéterminé, sans témoin crédible ni trace, on peut l’évoquer, en faire un film, un pur film, en multiplier les interprétations
L’amour à mort (Alain Resnais, 1984)
« Je suis mort », dit-il en annulant tout engagement, tout devoir, toute dette, y compris la promesse amoureuse de celle qui voudrait le rejoindre en offrant, elle aussi, « ma mort »
Les Carnets de Siegfried (Terence Davies, 2021)
Porter l’autre, en prendre le deuil, dans l’espoir de donner à ce qui aura été vécu une signification supplémentaire<<<;
American Fiction (Cord Jefferson, 2023)
Pour réussir dans la vie sociale, médiatique, on n’échappe pas aux stéréotypes mais on peut contribuer à leur déconstruction.
The Universal Theory (Timm Kröger, 2023)
On peut, par le cinéma, fabriquer un ersatz de multivers par lequel s’instille le retour obsédant de la spectralité