La Fièvre du Samedi Soir (John Badham, 1977)
Pour aller plus loin, au-delà du pont, il aura fallu qu’il se vide, qu’il évacue la charge mentale du narcissisme et de la danse qui entravait sa marche
Pour aller plus loin, au-delà du pont, il aura fallu qu’il se vide, qu’il évacue la charge mentale du narcissisme et de la danse qui entravait sa marche
Un film qui crée son propre monde qui n’est pas un monde, mais un montage cinématographique de situations, de citations et de dialogues, pour le salut du cinéma et de ses personnages
Cinéma de l’extrême dépouillement : deuil de l’illusion, de la duplicité, du populisme, du Joker, du pharmakon et du blockbuster lui-même
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Aux lettres d’amour maternelles, elle répond par la plus impersonnelle des répliques : une longue video postale
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Il faut se retirer de l’amour conventionnel, conjugal, le vider, pour que commence le sexuel, le réel de la vie, l’existence, l’éthique
Exhiber, par la mise en jeu d’un corps nu, les ressorts cachés d’une soumission qui épuise la personne, la vie sociale, anéantit l’avenir
De la tentative d’effacer tout ce qui fait le cinéma, il reste un film qui donne paradoxalement au cinéma son sens
Là où j’ai vécu, je ne suis plus chez moi, un cycle de vie s’épuise, du nouveau arrive de l’extérieur et s’impose à moi
En-deçà du désir d’amour usuel, rassurant, un autre amour pourrait faire irruption : archaïque, dangereux, effrayant, catastrophique, et pire encore : aussi vide que la mort
Un personnage hors-la-loi, un tournage hors norme, un film qui s’épuise avec son acteur dans la vacuité des stéréotypes
La tentation d’une mise en abyme autobiocinématographique sans fin, où le film ne renvoie qu’au film et le cinéma qu’au cinéma
Ni la vie, ni l’amour, ni la vérité n’ont de sens, pas plus que le jeu d’acteur qui les mime, alors il faut s’en retirer – c’est triste, on en pleure
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
« Je suis mort », dit-il en annulant tout engagement, tout devoir, toute dette, y compris la promesse amoureuse de celle qui voudrait le rejoindre en offrant, elle aussi, « ma mort »
Porter l’autre, en prendre le deuil, dans l’espoir de donner à ce qui aura été vécu une signification supplémentaire<<<;
On peut, par le cinéma, fabriquer un ersatz de multivers par lequel s’instille le retour obsédant de la spectralité
La circulation de l’argent est a-morale, irrationnelle; ce ne sont pas les marchandises qui circulent mais la faute, sans souci d’équilibre, d’éthique ni de justice
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Une voix parle au nom du Rien (comme si tous les riens, la multiplicité des riens, ne pouvaient se rapporter qu’à ce Rien unique, en ruine)
À travers ses manifestes, l’art en personne déclare : « Sauf l’art, rien ne peut être sauvé »
Il reste aux femmes qui se retirent de la domination masculine à vivre dans l’incertitude.
Un jour vide, désespéré, point d’aboutissement d’un monde et d’un cinéma sans contenu ni transmission.
Notre monde s’efface, s’arrête, ce qui arrive est obscur, inconnu, absolument indéterminé.
Par sa perte absolue d’identité, la situation du prisonnier de guerre radicalise celle du soldat.
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
Pour ouvrir un autre monde, à venir, il ne faut pas reproduire ce monde-ci.
Tu répondras à l’autre, dans l’irresponsabilité la plus absolue.
En associant le long du fleuve les lieux fragmentés de la dette, de l’économie et de l’échange, on appelle une autre unité, une autre éthique.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Pour qu’advienne le « oui », il faut se laisser aller à un cheminement vide, vacant, et implorer.
Là où ça décide, dans l’avenir, bénédiction et malédiction se confondent.
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Un pouvoir/impouvoir transactionnel, dérisoire, exposé à la dangerosité imprévisible de pouvoirs souverains.
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Un parcours dans les marges où la vie courante, sentimentale-économique, se dissout, s’efface, s’éclipse.
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
La nostalgie d’une extériorité impossible, dont il faut faire son deuil.