Pendant ce temps sur terre (Jérémy Clapin, 2024)
De la présence au spectre, il faut payer le prix du passage
De la présence au spectre, il faut payer le prix du passage
Une substance pharmacologique peut effacer les stigmates du vieillissement, mais quand sa duplicité s’exhibe en public, alors elle fait exploser le lien social
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
Pour survivre à son suicide, il faut être la réalisatrice, pas l’actrice ni le personnage – il en reste un film
Quand s’arrête le mouvement de la différance, quand s’épuise la supplémentarité, alors l’artiste meurt, fasciné par la beauté – mais un autre artiste (Visconti) peut prendre la suite
Un sentiment de culpabilité, enfermé dans un cycle de dette incontrôlé, peut conduire à l’injustice la plus radicale, effacer tout autre désir, toute autre éthique
Ni la vie, ni l’amour, ni la vérité n’ont de sens, pas plus que le jeu d’acteur qui les mime, alors il faut s’en retirer – c’est triste, on en pleure
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
Enfermement et décrépitude sont indissociables; avec la clôture des frontières, toujours plus impérieuse, la déchéance ne peut que faire retour.
Le jugement final, c’est que nul ne peut témoigner de la vérité.
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Pour échapper au jugement, il ne suffit pas que l’autre prenne sur lui tout le poids de la faute.
Par sa perte absolue d’identité, la situation du prisonnier de guerre radicalise celle du soldat.
La version hip hop du lien communautaire (Geschlecht), son empoisonnement, sa corruption et sa dislocation.
L’innocence exige une réparation aussi grandiose ou monstrueuse que la faute – et aussi le retour à l’ordre et à la loi.
Il aura fallu, pour que le fils prenne la place de l’antéchrist, carboniser le père, décapiter les femmes, réduire le logos en cendres.
Quand le mal radical répond, c’est dans la langue intraduisible d’un sacrifice terrible, inaudible, impardonnable
Les pleurs du père déchu en deuil de sa culture, sa sophistication, son théâtre, son épouse, son fils et aussi de lui-même, en tant qu’homme, sans rien connaître de ce qu’il adviendra
Il n’y a pas de limite au parasitage, pas de ligne protectrice qui ne puisse être franchie.
« Il faut mourir vivant »dit la photo-reporter, en laissant à d’autres les traces de son parcours, et un film.
Pour résister aux pulsions de mort, de cruauté, il faut la pure gratuité de l’ornement féminin.
Où l’on laisse à voir et entendre que tout film est fondé sur le sacrifice de la femme par des morts-vivant.
En répétant deux fois son nom dans le titre « JLG/JLG », Jean-Luc Godard redouble et redouble et dissémine l’écho de sa propre voix.
Un film qui démontre l’impossibilité de l’art, et creuse son tombeau.
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
Quand le consentement meurtrier, banalisé, ne dérange plus personne, la responsabilité devient un danger mortel.
Refuser la peine de mort exige un engagement inconditionnel démesuré, illimité, incompatible avec quelque transaction que ce soit.
En se soustrayant à la logique de l’échange, le Juif perd tout, il est absolument exproprié, y compris de sa propre identité.
Je dois m’immoler par le feu, j’y suis poussé, incité sans but, sans raison, justification ni condition.
Perdre un monde suppose de renoncer aussi à une part de soi , un quasi-suicide qui conditionne la possibilité de continuer à vivre.
À une exigence de fidélité venue d’ailleurs, des ascendants ou d’Afrique, on ne peut répondre que par un sacrifice, ou à défaut en pleurant.
Il faut, pour sauver les livres, sacrifier et sa mort et sa vie, mourir pour que vive l’à-venir des livres
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
En racontant la vie d’un autre, je transgresse l’impossibilité de raconter ma propre mort.
Il faut soit sacrifier les mères pour laisser vivre les filles, soit sacrifier les filles pour que les mères puissent vivre selon leur désir.
Aporie de l’amour inconditionnel : en exigeant le sacrifice de tout autre intérêt, il se soumet à une condition irréalisable, mortifère.
À l’acmé de la violence, du calcul politique qui voue Aldo Moro au sacrifice, se pose la question de l’au-delà du pouvoir, du politique.
Allemands et Polonais se combattent, se font la guerre, échangent leurs rôles, et finalement, c’est le Juif qui est sacrifié.