Saute ma ville (Chantal Akerman, 1968)
Pour survivre à son suicide, il faut être la réalisatrice, pas l’actrice ni le personnage – il en reste un film
Pour survivre à son suicide, il faut être la réalisatrice, pas l’actrice ni le personnage – il en reste un film
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Quand un corps étranger, digne d’amour, dangereux, fait irruption, il faut restaurer l’unité, neutraliser la scission par l’addiction, la mort
Inconditionnelle, la souveraineté est insoutenable mais digne; prise dans les calculs et les compromissions, elle s’auto-détruit dans l’indignité
Souverain, le roi doit pouvoir, dans le domaine qu’il a choisi, affirmer sans compromis ni condition la loi qui lui est propre
Quand s’arrête le mouvement de la différance, quand s’épuise la supplémentarité, alors l’artiste meurt, fasciné par la beauté – mais un autre artiste (Visconti) peut prendre la suite
On peut, en donnant lieu à un supplément pour l’autre, vivre plus que la vie
Un pacte de suicide où l’appel de la mort détermine l’amour, et non pas l’inverse
Un amour archaïque, irréductible, envers une exigence irrécusable, incontestable, précède et conditionne l’amour courant, socialisable et partageable
Le délire de souveraineté détaché du monde, ni crédible ni légitime, ne peut conduire qu’à l’autodestruction
Un événement évanescent, indéterminé, sans témoin crédible ni trace, on peut l’évoquer, en faire un film, un pur film, en multiplier les interprétations
« Je suis mort », dit-il en annulant tout engagement, tout devoir, toute dette, y compris la promesse amoureuse de celle qui voudrait le rejoindre en offrant, elle aussi, « ma mort »
Tuer pour procurer un héritage à son fils, dans le monde absurde des gangsters, c’est mourir vivant.
Déjà en deuil de lui-même, il anticipait sa seule survie possible : résister, par un film, à la pulsion de mort
Seul un autre peut dire, à la place du « je » souverain : « Moi, je suis mort ».
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
En photographiant ceux qu’on aime, on les tue, et ce meurtre déclenche une cascade de culpabilité, de folie et de mort
Un fil caché aussi ambigu qu’un pharmakon, qu’un hymen.
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
Une tragédie hétéro-thanato-graphique : « Tu es en deuil de toi-même, il faut que je te porte ».
Une singulière catastrophe amoureuse, incompréhensible, exceptionnelle et terrifiante, fait advenir une autre alliance, immaîtrisable et inconnue, entre la mort et la vie.
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Il faut, pour surmonter sa culpabilité, faire l’expérience de l’impossible.
« Je suis mort », souverainement mort, bien que vous puissiez encore voir mon corps, entendre ma parole et ma voix.
Rien ne peut arrêter une femme qui veut démontrer l’impuissance masculine;
Au cinéma, il est impossible d’interpréter sa propre mort, mais on peut toujours la jouer.
Une série de pures rencontres, sans autre motif que le plaisir et le sexe, n’a pas d’autre horizon que la mort.
Une force excessive, inquiétante, souveraine, s’impose sans considération ni pour la vie, ni pour la mort, ni pour la crédibilité du récit.
S’arrêter sur le pont qui mène au fantasme, au rêve, en passant par la photographie.
Ni fiction, ni documentaire, ni théâtre, ni cinéma, ni genre déterminé – un cinéma aporétique contaminé par la mort.
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Il faut, pour faire son deuil, spectraliser le mort, car porter un cadavre en soi, avec soi, est mortifère ».
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
On ne peut pas se préparer à la mort, tout ce qu’on peut faire, c’est en exiger toujours plus, plus encore que la vie.
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Il aura fallu qu’elle soit réduite à la fixité d’un portrait, prise pour morte, pour qu’elle rencontre enfin l’homme pur, intègre : le policier.
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.
Une grand-mère pour toujours sur le point de mourir, sans jamais franchir le pas.
Pas d’union d’un couple, d’amour, de famille, sans se confronter aux traditions et à la mort.
Aporie de l’amour inconditionnel : en exigeant le sacrifice de tout autre intérêt, il se soumet à une condition irréalisable, mortifère.
Le « mourir » de Valdemar, suspendu pendant sept mois, est encadré par deux énonciations impossibles : « Je suis mort »
La déconstruction ordinaire, sans réponse, ça peut se consommer sans déplaisir, mais pas sans angoisse