Diamant Brut (Agathe Riedinger, 2024)
On ne peut valoriser « ce que je suis », la fiction identitaire du soi-même, que par une mystique de la reconnaissance de soi par autrui
On ne peut valoriser « ce que je suis », la fiction identitaire du soi-même, que par une mystique de la reconnaissance de soi par autrui
L’acteur-voyou, bête de cinéma, pédophile et incestueux, brave les interdits en portant à l’excès les moyens propres du cinéma
Le délire de souveraineté détaché du monde, ni crédible ni légitime, ne peut conduire qu’à l’autodestruction
Du vacarme de la guerre, on ne peut rien dire : elle ne répond pas.
Il n’y a dans le monde que des marionnettes identiques à la voix identique, sauf dans un moment d’exception, unique, déstabilisant, irrépétable.
La poésie qui reste, c’est le don d’une page vierge où écrire son secret
Les décisions majeures s’imposent d’elles-mêmes; aucun calcul, raisonnement ni intérêt ne suffit à les justifier.
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
À distance de la vie courante, quotidienne, nous attend un événement archaïque, dangereux, catastrophique et pire encore : vide, sans signification ni contenu, une Bête effrayante
Pour ouvrir un autre monde, à venir, il ne faut pas reproduire ce monde-ci.
La souveraine innocence de l’amour inconditionnel face à la femme bafouée, envoûtante, souveraine elle aussi, qui calcule son plaisir.
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
Au vivant inconditionnellement étranger à « notre » monde (l’autiste), on ne peut répondre que par l’exception, elle aussi inconditionnelle : « Je dois te porter ».
Le souverain de banlieue, ce jeune (lionceau) incontrôlable, introduit l’imprévisible, l’incalculable, dans le lieu clos de la cité.
Il faut des femmes imprévisibles, illogiques, irrécupérables, pour créer entre les mondes d’autres liens.
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Pour s’emparer des possessions des hommes, dans son absolue souveraineté, la femme laisse libre cours à ses pulsions, y compris épistémiques
L’amour (quasi-)incestueux est le seul qui, au coeur du continent noir, soit vraiment digne de ce nom.
En se soustrayant à la logique de l’échange, le Juif perd tout, il est absolument exproprié, y compris de sa propre identité.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Pour se sauver, il faut affronter l’impardonnable.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Pour un homme, faire jouir une femme est un plaisir sans limite; on peut tout donner pour cela, y compris son sexe, sa vie
En disparaissant, elles suspendent le monde dans lequel le film s’inscrit – sans laisser aucun indice sur l’autre monde.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
Un pouvoir/impouvoir transactionnel, dérisoire, exposé à la dangerosité imprévisible de pouvoirs souverains.
Une série de mises en abyme se recouvrent, s’étendent, s’excèdent, s’imposent comme source d’inspiration et d’autorité.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
Jouir d’un vol, dans un désintéressement absolu, pour affirmer simultanément, sans les dissocier, son innocence et sa culpabilité.
La pure souveraineté du mal radical, sans justification ni explication, face à la pure souveraineté du rejet de la peine de mort.
Un film singulier qui affirme que rien dans l’œuvre d’art n’est singulier, exceptionnel.
À l’acmé de la violence, du calcul politique qui voue Aldo Moro au sacrifice, se pose la question de l’au-delà du pouvoir, du politique.
Il n’y a pas qu’une puissance souveraine de l’artiste, mais deux, qui ne peuvent que naître et mourir en même temps
Il n’est d’art pur que régi par une puissance souveraine ayant tous les droits, y compris de détruire les conditions de sa survie.
Un cinéma brut pour un art horizontal, au plus proche de la terre et des tracas quotidiens.