Je tu il elle (Chantal Akerman, 1974)
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
Il faut, pour porter la tristesse d’une fin d’amour, en garder la trace, l’archive, par une célébration
Quand s’arrête le mouvement de la différance, quand s’épuise la supplémentarité, alors l’artiste meurt, fasciné par la beauté – mais un autre artiste (Visconti) peut prendre la suite
Exhiber, par la mise en jeu d’un corps nu, les ressorts cachés d’une soumission qui épuise la personne, la vie sociale, anéantit l’avenir
L’acteur-voyou, bête de cinéma, pédophile et incestueux, brave les interdits en portant à l’excès les moyens propres du cinéma
Ni la vie, ni l’amour, ni la vérité n’ont de sens, pas plus que le jeu d’acteur qui les mime, alors il faut s’en retirer – c’est triste, on en pleure
Porter l’autre, en prendre le deuil, dans l’espoir de donner à ce qui aura été vécu une signification supplémentaire<<<;
(Se) laisser dire « Je suis morte » n’est pas sans risque ! Et si l’on vous croyait !
« Dans sa folie, ma mère m’a fait le plus beau des dons : l’exigence d’une responsabilité infinie ».
Déjà en deuil de lui-même, il anticipait sa seule survie possible : résister, par un film, à la pulsion de mort
Réitérer, par une alliance avec le film, l’alliance entre le mort et la vie.
Une voix parle au nom du Rien (comme si tous les riens, la multiplicité des riens, ne pouvaient se rapporter qu’à ce Rien unique, en ruine)
Entre une vie, un récit, une fiction, les bordures sont vivantes : incertaines, changeantes, imprévisibles.
Par les brèches de la famille, les fissures de la communauté, s’insinue une extériorité irréductible.
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Il s’est souvenu d’autres vies et d’autres mondes qu’il a portés; un autre vivant surviendra, peut-être, pour les porter à nouveau.
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Pour ceux qui ont vécu la Shoah, la vie s’est arrêtée : il ne reste plus que des survivants.
N’étant ni mort ni vivant, le disparu ne s’efface jamais; nul ne peut limiter sa présence, ni empêcher qu’elle se renouvelle.
Pour se sauver soi-même, il est préférable de pardonner : punir l’autre, ce serait se punir soi-même et s’interdire la transgression
En associant le long du fleuve les lieux fragmentés de la dette, de l’économie et de l’échange, on appelle une autre unité, une autre éthique.
Les pleurs du père déchu en deuil de sa culture, sa sophistication, son théâtre, son épouse, son fils et aussi de lui-même, en tant qu’homme, sans rien connaître de ce qu’il adviendra
Pour accéder aux souvenirs, il faut pousser toujours plus loin le mouvement de la mimesis, multiplier les dédoublements.
Le souverain de banlieue, ce jeune (lionceau) incontrôlable, introduit l’imprévisible, l’incalculable, dans le lieu clos de la cité.
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
Pour faire un couple comme pour faire un film, il faut multiplier les deuils, porter les endeuillés.
Il aura fallu dire « Je suis mort » pour que commence la vie en plus, la vie supplémentée par l’œuvre, plus que la vie.
S’auto-punir en s’emparant, par un geste de cruauté impardonnable, de la poupée perdue d’une petite fille abandonnée.
On ne peut pas se préparer à la mort, tout ce qu’on peut faire, c’est en exiger toujours plus, plus encore que la vie.
Je regarde, depuis ma cachette, ce monde à la veille de sa disparition, puis je passe le témoin à un autre, sans le porter
Où une fiction circulaire scelle l’alliance autobiographique du cinéma avec un « je ».
Un film, dans le film, révèle une vérité dont il témoigne par le montage.
Entre calculabilité universelle et incalculabilité du travail, le balancier de l’horloge oscille
À une exigence de fidélité venue d’ailleurs, des ascendants ou d’Afrique, on ne peut répondre que par un sacrifice, ou à défaut en pleurant.
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Un collage de phrases mortes qui ne promet rien, n’engage à rien, mais appelle l’adhésion.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
La paralyse – ce temps de fermentation ou de bouillonnement qui est aussi la khôra du réalisateur.
Ce qui reste silencieux ne peut s’écrire que dans une langue étrangère, intraduisible.
En racontant la vie d’un autre, je transgresse l’impossibilité de raconter ma propre mort.
En s’affirmant performative, la déclaration du transgenre, du non-binaire, appelle une confirmation publique, identitaire.
Quand l’ancrage territorial et temporel du cinéma risque de s’effacer, il faut attacher sa ceinture et continuer.
Un regard dans le film en appelle au-delà du film à un autre regard qui témoigne d’une alliance oto-biographique.
Un film où l’acquiescement à l’autre déclenche le mouvement gratuit, imprévisible, de l' »aimance ».
Le suicide est un événement avec lequel on (l’autre) ne peut jamais faire la paix.