Catégorie : Ethique
1984 (George Orwell, 1948, Michael Radford, 1984)
Pour s’imposer absolument, le souverain ne doit pas seulement commander aux vivants, à la société, il faut aussi qu’il commande absolument à la pensée
Kontinental 25 (Radu Jude, 2025)
Je me sens coupable d’une situation à laquelle je suis, de fait, associé·e, et nul ne peut guérir, ni même alléger ma culpabilité
Le Salaire de la Peur (Henri-Georges Clouzot, 1953), Sorcerer (William Friedkin, 1977)
Pour qui est déjà mort (socialement, humainement), il n’y a pas de retour possible
Fantôme utile (Ratchapoom Boonbunchachoke, 2025)
Les fantômes qui exigent la justice ne se laissent pas effacer, oublier, leur présence insiste et s’ils se rassemblent, ils peuvent transformer le monde des vivants
Breaking the Waves (Lars von Trier, 1996)
Un amour inconditionnel, sous emprise, par le simple pouvoir de la voix, fait des miracles
Une femme douce (Robert Bresson, 1969)
Un amour irraisonné, surgi inopinément, c’est un danger, une perte de contrôle qui peut être mortelle
Nuits blanches (Luchino Visconti, 1957), Quatre Nuits d’un Rêveur (Robert Bresson, 1971)
Il n’y a pas de justice en amour
L’Opéra de Quat’Sous (Bertolt Brecht, 1928 – Georg Wilhelm Pabst, 1931)
Ethique du voyou : « On ne peut vivre et rester honnête » Le film de Pabst commence par un double « principe absolu » (c’est le terme utilisé) : 1/ « D’abord la pitance, le...
Le Procès (Orson Welles, 1962)
Nous sommes affectés par une culpabilité originelle, irréparable, qui ne peut être ni compensée, ni sanctionnée
Les Espions (Henri-Georges Clouzot, 1957)
De ce monde inexplicable, insensé, où il faut bien vivre, on ne peut témoigner qu’en silence
Quadrilogie de l’éthique à venir : La Double Vie de Véronique, Bleu, Blanc, Rouge (Krzysztof Kieślowski, 1991-94)
Pour ouvrir une autre éthique, il faut pleurer, implorer
Trois Couleurs : Blanc (Krzysztof Kieślowski, 1994)
À l’amour inconditionnel, rien n’est comparable ni équivalent
No Country for Old Men (Joel & Ethan Coen, 2007)
Au-delà de son intérêt, le tueur souverain érige sa propre loi, une obligation quasi-morale, inconditionnelle, à laquelle il ne peut contrevenir
Les Linceuls (David Cronenberg, 2024) (The Shrouds)
Contourner le deuil en ne retenant de la mort que sa matérialité (pourriture, décomposition)
A Serious Man (Joel et Ethan Coen, 2009)
Un dibbouk qui fait de l’incertitude un principe de vie, une obligation éthique, métaphysique, un pas au-delà du monde
Demon (Marcin Wrona, 2015)
En exigeant une justice impossible à instaurer, le dibbouk interdit l’oubli
Le Labyrinthe de Pan (Guillermo del Toro, 2006)
Incapable de traverser jusqu’au bout les épreuves, la justice incarnée par l’innocence ne peut que mourir assassinée
Honor de Cavalleria (Albert Serra, 2006)
Le monde qui s’en est allé nous laisse sans orientation : tu n’as pas de chemin pour moi, je n’ai pas de chemin pour toi, mais si tu me suis, nous irons au-delà
Adolescence (série de Jack Thorne, Stephen Graham et Philip Barantini, 2025)
Inexplicable, instable, inclassable, insaisissable, le jeune meurtrier incarne le déséquilibre d’où pourrait surgir une réponse, une nouvelle donne
Possession (Andrzej Żuławski, 1981)
En-deçà de l’amour surgit la violence primordiale, inexplicable, de l’archi-amour
Le Sacrifice (Andreï Tarkovski, 1986)
Evider un monde pour porter, sans que rien ne l’entrave, le commencement d’une parole
Nosferatu, symphonie de l’horreur (Friedrich Wilhelm Murnau, 1922)
Pour sauver la ville de la mort, il faut renoncer à l’amour conjugal pour une autre alliance, mystérieuse, un autre réseau d’allégeance
Presence (Steven Soderbergh, 2024)
Le rêve du réalisateur : une caméra qui, se faisant passer pour un spectre, possède la faculté d’intervenir sur ce qu’elle filme
Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992)
Quand le pouvoir souverain, obscur, de la féminité, met en jeu la peine de mort pour s’approprier la puissance phallique
La Voyageuse (Hong Sang-soo, 2024)
La simple présence d’une personne étrangère, sans raison ni justification, peut arracher quelqu’un à sa vie quotidienne, traduire ses pensées dans une autre langue
Anatomie d’une Chute (Justine Triet, 2023)
En l’absence de preuve, il faut un témoignage – fût-ce d’un enfant – pour décider, mais le jugement véritable, s’il en est, pourrait venir d’ailleurs
Spectateurs! (Arnaud Desplechin, 2024)
Témoigner par le cinéma de la faculté du cinéma à témoigner du réel
Zelig (Woody Allen, 1983)
L’identité de celui dont l’identité est de ne pas en avoir est aussi une identité, celle qui oblige à vivre dans l’aporie
Songe d’une nuit d’été (A Midsummer Night’s Dream) (Shakespeare, 1595-96), film réalisé par Elijah Moshinsky en 1981
Pour restaurer le mariage légitime, contractuel, voulu par les pères, il faut en passer par le sortilège d’une autre amour disruptif, envoûtant, déstabilisateur
Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994)
Une pure éthique singulière, inconditionnelle, d’une absolue simplicité, ne peut pas se mesurer à l’injustice
Flow (Gints Zilbalodis, 2024)
Dans un monde flottant, réduit à des vestiges, il n’y a pas de finalité à l’errance
Fotogenico (Marcia Romano et Benoît Sabatier, 2024)
Faire son deuil en préservant, malgré tout, un lieu où la trace du mort peut s’inscrire
Identification d’une femme (Michelangelo Antonioni, 1982)
Seule la femme du dehors est digne d’alliance, mais jamais elle n’est disponible : elle éblouit, se dérobe et disparait
Les Diables (Christophe Ruggia, 2002)
Où la passion du toucher rejoint la passion d’emprise, fantasmatique ou défensive
The Dead Don’t Hurt (Viggo Mortensen, 2024)
On ne peut pas empêcher l’injustice, on ne peut qu’en déplacer les conséquences
Megalopolis (Francis Ford Coppola, 2024)
Pour réparer le monde, il faudrait un « saut dans l’inconnu » dont nul ne connaît l’aboutissement; Coppola rêve le meilleur, mais le pire pourrait advenir
Blow Out (Brian de Palma, 1981)
Il ne reste du naufrage du politicien que la trace d’un cri, le deuil de la vérité, de la confiance
Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974)
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1967)
On ne peut photographier, dérober les images d’autrui, les interpréter, sans engager sa responsabilité, sans mettre en jeu sa culpabilité
Joker, folie à deux (Todd Phillips, 2024)
Cinéma de l’extrême dépouillement : deuil de l’illusion, de la duplicité, du populisme, du Joker, du pharmakon et du blockbuster lui-même
Joker (Todd Phillips, 2019)
N’étant rien, le Joker peut tout représenter : le bien comme le mal, le rire comme les larmes, il est le « pharmakon » qui symbolise le chaos comme la justice, le crime et sa réparation
Je tu il elle (Chantal Akerman, 1974)
J’aurai tout essayé, je me serai mise à nu, mais cela n’aura pas calmé ma faim, et me voici seule, au début
Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979)
Entre la violente affirmation d’une souveraineté démesurée et la renonciation passive à toute décision, il y a complicité, voire équivalence, dont on ne peut s’extraire que par l’exigence d’un recul, d’un retrait
Dahomey (Mati Diop, 2024)
Il faut, pour construire un récit national, faire parler les traces – qui heureusement résistent, gardent leurs secrets
Romance (Catherine Breillat, 1998)
Il faut se retirer de l’amour conventionnel, conjugal, le vider, pour que commence le sexuel, le réel de la vie, l’existence, l’éthique
Faux Semblants (David Cronenberg, 1988)
Quand un corps étranger, digne d’amour, dangereux, fait irruption, il faut restaurer l’unité, neutraliser la scission par l’addiction, la mort
Civil War (Alex Garland, 2024)
L’effondrement d’un monde, réduit à sa pure représentation photographico-cinématographique, sans analyse, ni contexte, ni récit, ni signification
La Trilogie du X-Factor (X – Pearl – MaXXXine) (Ti West 2022-2024)
Une force inconnue, difficilement descriptible, confère à certains actes de certaines personnes une extériorité unique, une capacité à se distinguer du commun, à faire événement
Conte de Printemps (Eric Rohmer, 1990)
À défaut de « chez soi », on peut espérer, par l’amour, un lieu stable, familial, rassurant – dont on puisse librement s’éloigner
Ghost Tropic (Bas Devos, 2020)
Là où j’ai vécu, je ne suis plus chez moi, un cycle de vie s’épuise, du nouveau arrive de l’extérieur et s’impose à moi
Le Prince de Hombourg (Marco Bellocchio, 1997)
Un amour archaïque, irréductible, envers une exigence irrécusable, incontestable, précède et conditionne l’amour courant, socialisable et partageable
Dancer in the Dark (Lars Von Trier, 2000)
Un sentiment de culpabilité, enfermé dans un cycle de dette incontrôlé, peut conduire à l’injustice la plus radicale, effacer tout autre désir, toute autre éthique
La Marquise d’O. (Eric Rohmer, 1976)
Un amour inconditionnel que rien ne peut démentir, ni le viol, ni l’inceste, ni le scandale
Bushman (David Schickele, 1971)
Une hospitalité tellement fragmentée, menacée, impossible, qu’elle ne peut se réfugier que dans l’œuvre – et alors celle-ci l’affirme sans réserve, inconditionnellement
De nos Jours (Hong Sang-soo, 2023)
Ni la vie, ni l’amour, ni la vérité n’ont de sens, pas plus que le jeu d’acteur qui les mime, alors il faut s’en retirer – c’est triste, on en pleure
Le Déserteur (Dani Rosenberg, 2023)
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
La fille de 15 ans (Jacques Doillon, 1989)
Un réalisateur qui présente une jeune fille comme perverse, calculatrice, manipulatrice, pour mieux la manipuler, l’objectiver, s’en servir.
Los Delincuentes (Rodrigo Moreno, 2023)
Le vol d’argent n’annule ni la dette, ni l’économie; il faut pour cela des moments de gratuité qui ouvrent à la question de la liberté, sans la garantir
L’Argent (Robert Bresson, 1983)
La circulation de l’argent est a-morale, irrationnelle; ce ne sont pas les marchandises qui circulent mais la faute, sans souci d’équilibre, d’éthique ni de justice
The Sweet East (Sean Price Williams, 2023)
La position unique d’une jeune fille qui s’évade de tous les conflits, erre entre les pouvoirs sans jamais se laisser instrumentaliser par aucun d’entre eux.
L’Ange Exterminateur (Luis Buñuel, 1962)
Enfermement et décrépitude sont indissociables; avec la clôture des frontières, toujours plus impérieuse, la déchéance ne peut que faire retour.
The Third Murder (Hirokazu Kore-Eda, 2017)
Le jugement final, c’est que nul ne peut témoigner de la vérité.
La La Land (Damien Chazelle, 2016)
Entre deux gardiens de l’inconditionnel, la rencontre est aussi fatale qu’impossible.
Planétarium (Rebecca Zlotowski, 2016)
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Anomalisa (Charlie Kaufman et Duke Johnson, 2015)
Il n’y a dans le monde que des marionnettes identiques à la voix identique, sauf dans un moment d’exception, unique, déstabilisant, irrépétable.
Milla (Valérie Massadian, 2017)
Réitérer, par une alliance avec le film, l’alliance entre le mort et la vie.
Conan le Barbare (John Milius, 1981)
Par-delà la vengeance, la destruction des corps, des croyances et des superstitions ennemis, s’ouvre un avenir sans ressentiment ni compensation, sans désir de puissance, ni viril ni phallique.
Le ciel du Centaure (Hugo Santiago, 2015)
Un film qui, pour se faire Œuvre de cinéma, doit être lu, entendu, expliqué, transmis, interprété, admiré.
Vers l’autre rive (Kiyoshi Kurosawa, 2015)
Il faut, pour un deuil, partager la mémoire, la parole, le corps et les secrets du mort.
Les Heures sombres (Joe Wright, 2017)
Les décisions majeures s’imposent d’elles-mêmes; aucun calcul, raisonnement ni intérêt ne suffit à les justifier.
Bird People (Pascale Ferran, 2014)
Pour quiconque, il peut arriver qu’une décision souveraine, inconditionnelle, invite à la mutation, la transformation, l’hybridation.
Une belle fin (Uberto Pasolini, 2013)
Même en l’absence de deuil, je porte en moi le monde de l’autre : « C’est l’éthique même ».
Mother (Darren Aronovsky, 2017)
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
120 battements par minute (Robin Campillo, 2017)
Une tragédie hétéro-thanato-graphique : « Tu es en deuil de toi-même, il faut que je te porte ».
Melancholia (Lars von Trier, 2011)
il y a dans ce film quelque chose de nazi : l’entrée en scène d’un monde absolument dépourvu d’avenir
La Bête dans la Jungle (Patric Chiha, 2023)
Une singulière catastrophe amoureuse, incompréhensible, exceptionnelle et terrifiante, fait advenir une autre alliance, immaîtrisable et inconnue, entre la mort et la vie.
L’étrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira, 2010)
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Leave no trace (Debra Granik, 2018)
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
Belle Épine (Rebecca Zlotowski, 2010)
Se faire orpheline, exposée au danger, pour que s’invente une autre alliance.
L’étreinte du serpent (Ciro Guerra, 2015)
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul, 2010)
Il s’est souvenu d’autres vies et d’autres mondes qu’il a portés; un autre vivant surviendra, peut-être, pour les porter à nouveau.
Inception (Christopher Nolan, 2010)
Il faut, pour surmonter sa culpabilité, faire l’expérience de l’impossible.
My Joy (Sergueï Loznitsa, 2010)
Mal radical : un pouvoir qui oblige à décliner son identité, jusqu’à la perte totale du nom.
Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda, 2018)
Esquisse d’une autre communauté où l’éthique des singularités prévaut sur la solidarité de groupe.
Capharnaüm (Nadine Labaki, 2018)
On ne peut répondre à la cruauté, inexplicable et injustifiable, que par un au-delà de la cruauté, tout aussi inexplicable et injustifiable.
Trois visages (Jafar Panahi, 2018)
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Heureux comme Lazzaro (Alice Rohrwacher, 2018)
Tu répondras à l’autre, dans l’irresponsabilité la plus absolue.
En liberté (Pierre Salvadori, 2018)
L’innocence exige une réparation aussi grandiose ou monstrueuse que la faute – et aussi le retour à l’ordre et à la loi.
Leto (Kirill Serebrennikov, 2018)
Dans leur bulle, inutiles et irrécupérables, les héros de la scène rock sont plus moraux encore que la moralité.
Sainte Fille (Lucrecia Martel, 2004)
Pour se sauver soi-même, il est préférable de pardonner : punir l’autre, ce serait se punir soi-même et s’interdire la transgression
Pont des Arts (Eugène Green, 2004)
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Memories of Murder (Bong Joon-ho, 2003)
Trouver le coupable, c’est impossible, mais ne pas trouver de coupable, c’est intenable, insupportable.
Adieu (Arnaud des Pallières, 2003)
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
Séjour dans les monts Fuchun (Gu Xiaogang, 2019)
En associant le long du fleuve les lieux fragmentés de la dette, de l’économie et de l’échange, on appelle une autre unité, une autre éthique.
Dieu existe, son nom est Petrunya (Teonia Strugar-Mitevska, 2019)
Tragi-comique, scandaleux, imparable et inéluctable, l’événement sacré qui fait de Dieu une femme.
L’homme sans passé (Aki Kaurismäki, 2002)
Par la grâce d’une amnésie purificatrice qui annule les fautes, innocente, immunise du passé – on peut recevoir le pardon.
Hors Normes (Eric Toledano et Olivier Nakache, 2019)
Au vivant inconditionnellement étranger à « notre » monde (l’autiste), on ne peut répondre que par l’exception, elle aussi inconditionnelle : « Je dois te porter ».