First Cow (Kelly Reichardt, 2019)
Au-delà de tout calcul, une promesse d’amitié peut enjamber deux siècles.
Au-delà de tout calcul, une promesse d’amitié peut enjamber deux siècles.
Jamais les excuses ni les regrets ne seront à la hauteur du mal fait.
Entre l’œuvre, la vie, la mort, il faut que la frontière reste indécise, indéterminée, infranchissable.
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Il faut, pour excéder la cruauté, recueillir sa force, la transformer sans rien qui puisse la compenser : ni argent, ni amour, ni gain, ni perte.
L’alcool peut aussi, parfois et sans prévenir, se faire pharmakon.
Le vingtième siècle aura été double – et je peux jouer, dans le plaisir et la douleur, sur cette duplicité.
Qui parasite l’autre prend le risque d’être parasité par l’autre.
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
À tout ce qu’on voulait faire de moi, j’ai acquiescé, mais on ne peut pas m’empêcher de dire « je ».
L’économie du salut, par l’initiative, la compétence et le savoir, venus de l’étranger.
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Pour légitimer la nation chilienne, il aura fallu qu’un métis témoigne de l’extermination des Indiens, avant qu’il ne soit effacé lui aussi.
Dire oui à l’amitié jusqu’à bâtir l’oiseau de bois, au confluent de la combe magique.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Un désir unique, singulier, déclenché par la rencontre improbable, indécise, de deux solitudes.
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
« Il faut que je te porte », dit la terre, et tu répéteras le cycle.
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
Quand la mise en acte d’une justice inconditionnelle, non négociable, appelle une solidarité sans réserve.
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Il n’y a pas de cinéma sans argent, mais il ne peut y avoir de cinéma que s’il l’excède.
Tenter de réunir des fraternités irréconciliables sans les contester de l’intérieur conduit à la paralysie, la tragédie, l’autodestruction.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Il s’agit, sous l’apparence de la transgression, de sauver la distinction tranchée qui oppose le bien au mal.
Au cœur de la plus phallogo-polémo-centrique des comédies, un homme impuissant ressuscite, en paix avec lui-même, après la Cène
Une virginité toute autre, d’avant toute virginité.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
Porter à l’excès la logique de l’échange pour faire un pas au-delà, le dernier pas, indifférent à l’échange.
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
Un pouvoir uniquement fondé sur l’affirmation charismatique de soi-même se met dans la dépendance absolue d’autrui.
Jouir d’un vol, dans un désintéressement absolu, pour affirmer simultanément, sans les dissocier, son innocence et sa culpabilité.
Il faut soit sacrifier les mères pour laisser vivre les filles, soit sacrifier les filles pour que les mères puissent vivre selon leur désir.
Une pure amitié qui ne repose sur aucune justification, sur aucun intérêt commun.
Le premier film parlant a pour thème la dissociation voix/corps/identité; il voudrait faire croire à leur coïncidence, si elle était possible.
Un film où l’acquiescement à l’autre déclenche le mouvement gratuit, imprévisible, de l' »aimance ».