Tout le monde aime Jeanne (Céline Devaux, 2022)
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
L’innocent qui apparaît dans les fantasmes peut porter tout le poids de la faute, se muer en coupable universel.
Mourir une deuxième fois, vivante, pour une autre alliance, plus porteuse d’avenir.
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Une allégorie de la traduction du monde en film ou du film en monde.
Perdre un monde suppose de renoncer aussi à une part de soi , un quasi-suicide qui conditionne la possibilité de continuer à vivre.
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Il s’agit, sous l’apparence de la transgression, de sauver la distinction tranchée qui oppose le bien au mal.
S’appuyer sur le mythe le plus courant pour inventer un autre référent, tout aussi mythique.
Au cœur de la plus phallogo-polémo-centrique des comédies, un homme impuissant ressuscite, en paix avec lui-même, après la Cène
Une virginité toute autre, d’avant toute virginité.
Porter à l’excès la logique de l’échange pour faire un pas au-delà, le dernier pas, indifférent à l’échange.
Il aura fallu passer par l’expérience du porno, l’épreuve de l’horreur, pour enfin vivre autre chose que la vie courante : vivre plus que la vie
Il faut, dans ce monde dangereux, apprendre à s’engager, prendre tous les risques.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
La paralyse – ce temps de fermentation ou de bouillonnement qui est aussi la khôra du réalisateur.
Une grand-mère pour toujours sur le point de mourir, sans jamais franchir le pas.
Un parcours dans les marges où la vie courante, sentimentale-économique, se dissout, s’efface, s’éclipse.
Un film sur l’amour : pas l’amour fou, mais l’amour en tant que fantasme, folie.
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
Un regard dans le film en appelle au-delà du film à un autre regard qui témoigne d’une alliance oto-biographique.
Dans un monde qui se déconstruit, il est tentant de se ruer sur les plaisirs, au risque d’aggraver le mal.
La nostalgie d’une extériorité impossible, dont il faut faire son deuil.
Un monde s’en est allé, il n’en reste rien d’autre que cette femme, la folle, l’exclue, qui ébranle à jamais « notre » monde.
Nul n’est innocent, il y a toujours un gouffre dans lequel chuter.
Une auto-hétéro-bio-thanato-graphie féminine où chaque femme semble jouer le rôle d’une autre, jusqu’à l’épuisement.
Il vaut mieux accompagner, porter, l’inarrêtable hybridation du monde.
Un fantasme de flic où les fautes, les crimes et les trahisons se déplacent, se croisent et se neutralisent, sans jamais s’annuler.
film muet qui, par excès de pédagogie, refoule ce qui, à même le cinéma, mobilise l’inconscient.