Catégorie : Religions
Breaking the Waves (Lars von Trier, 1996)
Un amour inconditionnel, sous emprise, par le simple pouvoir de la voix, fait des miracles
Cronos (Guillermo del Toro, 1993)
Ce n’est pas le mourant qui a le plus à perdre, c’est le vivant éternel, qui ne peut pas solder ses dettes
Mother, I Am Suffocating. This Is My Last Film About You (Lemohang Jeremiah Mosese, 2019)
Je porte en moi ma mère, ma patrie, elles m’étouffent, trop lourdes pour que je tienne sous leur poids, je les chasse
Une femme douce (Robert Bresson, 1969)
Un amour irraisonné, surgi inopinément, c’est un danger, une perte de contrôle qui peut être mortelle
Kinds of Kindness (Yórgos Lánthimos, 2024)
Dans un système qui tend au totalitarisme, une défaillance qui bouleverse les places et les fonctions est toujours possible – mais nul n’en connaît à l’avance le résultat
Trois Couleurs – Bleu (Krzysztof Kieślowski, 1993)
Un deuil de soi ambigu, qui rend la singularité possible
Fairytale (Alexandre Sokourov, 2022)
Des plus brutaux acteurs de l’histoire, on ne retient que l’impardonnable
Les Linceuls (David Cronenberg, 2024) (The Shrouds)
Contourner le deuil en ne retenant de la mort que sa matérialité (pourriture, décomposition)
A Serious Man (Joel et Ethan Coen, 2009)
Un dibbouk qui fait de l’incertitude un principe de vie, une obligation éthique, métaphysique, un pas au-delà du monde
Demon (Marcin Wrona, 2015)
En exigeant une justice impossible à instaurer, le dibbouk interdit l’oubli
Le Dibbouk (Michał Waszyński, 1937)
Celui dont l’avenir aura été déterminé avant la naissance n’aura pas d’avenir, il ne vivra pas
Le chant des Oiseaux (Albert Serra, 2008) (El Cant dels ocells)
Sur le chemin d’une foi qui ne repose sur rien d’autre que la foi – un « rien » suffisant pour fonder la croyance, la crédibilité
Histoire de ma mort (Albert Serra, 2013)
Ayant vécu « ma vie » sous le signe de la gratuité, « ma mort » arrive quand à cette place s’impose l’échange, la circulation du sang
Possession (Andrzej Żuławski, 1981)
En-deçà de l’amour surgit la violence primordiale, inexplicable, de l’archi-amour
La Clepsydre (Wojciech Has, 1973)
Comment ne pas trouver son chemin, dans le temps retardé du retour spectral et de la désagrégation du temps
Le Sacrifice (Andreï Tarkovski, 1986)
Evider un monde pour porter, sans que rien ne l’entrave, le commencement d’une parole
La dernière tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988)
Un Jésus vivant, qui ne cède en rien au sacrifice
The Brutalist (Brady Corbet, 2024)
Il faut, pour aller vers sa propre destination, la violence de l’autre
Nosferatu (Robert Eggers, 2024)
Tomber sous emprise est une malédiction dont on ne peut s’extraire qu’en y sacrifiant ce qui, au fond de soi, y adhérait
La reine Margot (Patrice Chéreau, 1994)
Purifier la violence primordiale par la beauté des corps souffrants, réparer par un amour quasi-religieux un massacre abominable
American Gigolo (Paul Schrader, 1980)
Nouveau christianisme : on peut accéder à la rédemption en donnant du plaisir
Diamant Brut (Agathe Riedinger, 2024)
On ne peut valoriser « ce que je suis », la fiction identitaire du soi-même, que par une mystique de la reconnaissance de soi par autrui
La Fièvre du Samedi Soir (John Badham, 1977)
Pour aller plus loin, au-delà du pont, il aura fallu qu’il se vide, qu’il évacue la charge mentale du narcissisme et de la danse qui entravait sa marche
Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974)
Il est dangereux de s’exposer au secret d’autrui, et encore plus dangereux de vouloir y intervenir
Jeanne Dielman, 183 rue du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)
Il faut, pour sauver le cycle répétitif de la vie, abolir tout événement qui viendrait le perturber, au risque de déclencher un événement plus grave encore, plus destructeur encore
No Home Movie (Chantal Akerman, 2015)
Témoigner d’un silence, dans le lieu impersonnel, abstrait et vide du « non-chez-soi »
Videodrome (David Cronenberg, 1983)
L’écran n’est pas extérieur au corps : il le parasite, le colonise, le soumet, le remplace, y ajoute toujours plus de dépendances et de sensations, et enfin survit à sa mort
MaXXXine (Ti West, 2024)
Un avenir qui se voudrait inconnu (X), brillant, qui, sans craindre la répétition cauchemardesque de cruautés passées, pourrait ajouter autre chose, imprévisible
La Trilogie du X-Factor (X – Pearl – MaXXXine) (Ti West 2022-2024)
Une force inconnue, difficilement descriptible, confère à certains actes de certaines personnes une extériorité unique, une capacité à se distinguer du commun, à faire événement
Emilia Perez (Jacques Audiard, 2024)
Transformer son identité, brouiller les genres, cela n’efface ni la faute ni la dette, mais cela peut ouvrir, pour d’autres, un « pas au-delà », une épiphanie
Sailor & Lula (David Lynch, 1990)
Pour remédier à des violences insupportables, des blessures irréparables, il faut un amour sauvage, hors norme, inconditionnel et illimité
Le Déserteur (Dani Rosenberg, 2023)
Pris dans une confrontation stérile, sans raison ni projet, le jeune désorienté n’a d’autre choix que de se retirer lui aussi, sans raison, sans justification ni projet
L’amour à mort (Alain Resnais, 1984)
« Je suis mort », dit-il en annulant tout engagement, tout devoir, toute dette, y compris la promesse amoureuse de celle qui voudrait le rejoindre en offrant, elle aussi, « ma mort »
Les Carnets de Siegfried (Terence Davies, 2021)
Porter l’autre, en prendre le deuil, dans l’espoir de donner à ce qui aura été vécu une signification supplémentaire<<<;
Él (film de Luis Buñuel, 1953) (Tourments)
On ne peut poursuivre la quête aporétique, chercher à posséder ce qu’on sait ne pas pouvoir posséder, qu’avec l’appui crypté de la religion.
Conann (Bertrand Mandico, 2023)
Engagé·e dans la barbarie, je dois me venger contre moi-même jusqu’à l’étape ultime où « ma mort » emporte tout, y compris l’art, l’œuvre
L’Ange Exterminateur (Luis Buñuel, 1962)
Enfermement et décrépitude sont indissociables; avec la clôture des frontières, toujours plus impérieuse, la déchéance ne peut que faire retour.
Planétarium (Rebecca Zlotowski, 2016)
Au cinéma, la présence des morts est illimitée : on ne peut que les sacrifier, dissimuler leur présence sous d’autres films, toujours plus.
Conan le Barbare (John Milius, 1981)
Par-delà la vengeance, la destruction des corps, des croyances et des superstitions ennemis, s’ouvre un avenir sans ressentiment ni compensation, sans désir de puissance, ni viril ni phallique.
L’ornithologue (João Pedro Rodrigues, 2016)
Il aura fallu, pour entendre le secret dont l’autre témoigne, en passer par un « Je suis mort »
L’Éloge du rien (Boris Mitić, 2017)
Une voix parle au nom du Rien (comme si tous les riens, la multiplicité des riens, ne pouvaient se rapporter qu’à ce Rien unique, en ruine)
Manifesto (Julian Rosefeldt, 2015)
À travers ses manifestes, l’art en personne déclare : « Sauf l’art, rien ne peut être sauvé »
Menashe, ou « Brooklyn Yiddish » (Joshua Z. Weinstein, 2017)
« Dès que je m’efforce de la respecter, la loi défaille »
Mother (Darren Aronovsky, 2017)
Un Christ déjà mort, sacrifié avant même sa naissance, anéantit l’avenir.
Tesnota, une vie à l’étroit (Kantemir Balagov, 2017)
Par les brèches de la famille, les fissures de la communauté, s’insinue une extériorité irréductible.
The Strange Thing About the Johnsons (Ari Aster, 2011)
Pour échapper au jugement, il ne suffit pas que l’autre prenne sur lui tout le poids de la faute.
L’étrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira, 2010)
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Belle Épine (Rebecca Zlotowski, 2010)
Se faire orpheline, exposée au danger, pour que s’invente une autre alliance.
Capharnaüm (Nadine Labaki, 2018)
On ne peut répondre à la cruauté, inexplicable et injustifiable, que par un au-delà de la cruauté, tout aussi inexplicable et injustifiable.
Un Secret (Claude Miller, 2007)
Un frère mort, disparu, peut gouverner une vie et aussi induire une pensée spectrale, supplémentaire : la déconstruction.
Être sans destin (Lajos Koltai, 2006)
Pour ceux qui ont vécu la Shoah, la vie s’est arrêtée : il ne reste plus que des survivants.
En liberté (Pierre Salvadori, 2018)
L’innocence exige une réparation aussi grandiose ou monstrueuse que la faute – et aussi le retour à l’ordre et à la loi.
Sainte Fille (Lucrecia Martel, 2004)
Pour se sauver soi-même, il est préférable de pardonner : punir l’autre, ce serait se punir soi-même et s’interdire la transgression
Hérédité (Ari Aster, 2018)
Il aura fallu, pour que le fils prenne la place de l’antéchrist, carboniser le père, décapiter les femmes, réduire le logos en cendres.
Adieu (Arnaud des Pallières, 2003)
Quand disparaît la prophétie, l’espoir d’un monde à venir, alors disparaissent avec elle l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la fraternité.
Dieu existe, son nom est Petrunya (Teonia Strugar-Mitevska, 2019)
Tragi-comique, scandaleux, imparable et inéluctable, l’événement sacré qui fait de Dieu une femme.
L’homme sans passé (Aki Kaurismäki, 2002)
Par la grâce d’une amnésie purificatrice qui annule les fautes, innocente, immunise du passé – on peut recevoir le pardon.
It must be heaven (Elia Suleiman, 2019)
Puisque le monde ne répond plus, je ne peux l’interroger qu’en parfait étranger, dans la plus pure inconditionnalité, par le langage du cinéma.
La Ciénaga (Lucrecia Martel, 2001)
Une désagrégation où, dans son opposition chimérique à l’animal, l’humain se déconstruit, jusqu’à la mort d’un enfant
Hors Normes (Eric Toledano et Olivier Nakache, 2019)
Au vivant inconditionnellement étranger à « notre » monde (l’autiste), on ne peut répondre que par l’exception, elle aussi inconditionnelle : « Je dois te porter ».
Papicha (Mounia Meddour, 2019)
Pour résister aux pulsions de mort, de cruauté, il faut la pure gratuité de l’ornement féminin.
Lux Æterna (Gaspar Noé, 2019)
Où l’on laisse à voir et entendre que tout film est fondé sur le sacrifice de la femme par des morts-vivant.
Uncut gems (Benny and Josh Safdie, 2019)
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
Hôtel de France (Patrice Chéreau, 1987)
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
Tromperie (Arnaud Desplechin, 2021)
Une séduction verbale, oblique, indirecte, instaure une liaison foisonnante mais trompeuse, décevante, déprimante.
Amira (Mohamed Diab, 2021)
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
Le marchand de Venise, de Shakespeare (Jack Gold, 1980)
En se soustrayant à la logique de l’échange, le Juif perd tout, il est absolument exproprié, y compris de sa propre identité.
Stardust Memories (Woody Allen, 1980)
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
Stalker (Andreï Tarkovski, 1979)
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Le capitaine Volkonogov s’est échappé (Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, 2021)
Pour se sauver, il faut affronter l’impardonnable.
La Chambre verte (François Truffaut, 1978)
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
Mariken van Nieumeghen (Jos Stelling, 1974)
Plus la transgression est excessive, et plus elle reconduit le cycle de la dette.
Les Diables (Ken Russel, 1971)
Il s’agit, sous l’apparence de la transgression, de sauver la distinction tranchée qui oppose le bien au mal.
M*A*S*H (Robert Altman, 1970)
Au cœur de la plus phallogo-polémo-centrique des comédies, un homme impuissant ressuscite, en paix avec lui-même, après la Cène
La Fiancée du pirate (Nelly Kaplan, 1969)
Porter à l’excès la logique de l’échange pour faire un pas au-delà, le dernier pas, indifférent à l’échange.
Persona (Ingmar Bergman, 1966)
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Pickpocket (Robert Bresson, 1959)
Jouir d’un vol, dans un désintéressement absolu, pour affirmer simultanément, sans les dissocier, son innocence et sa culpabilité.
Godland (Hlynur Pálmason, 2022)
Quand s’effondrent les limites, les parerga, rien ne peut arrêter la violence originelle, inouïe.
Esterno Notte (Marco Bellocchio, 2022)
À l’acmé de la violence, du calcul politique qui voue Aldo Moro au sacrifice, se pose la question de l’au-delà du pouvoir, du politique.
To be or not to be (Ernst Lubitsch, 1942)
Allemands et Polonais se combattent, se font la guerre, échangent leurs rôles, et finalement, c’est le Juif qui est sacrifié.
Le chanteur de jazz (Alan Crosland, 1927)
Le premier film parlant a pour thème la dissociation voix/corps/identité; il voudrait faire croire à leur coïncidence, si elle était possible.
L’Aurore (F.W. Murnau, 1927)
Avec la perfection du film muet, convergent l’apologie de l’amour et celle de la beauté adhérente en art.
L’enlèvement (Marco Bellocchio, 2023)
La paternité n’est pas biologique, mais performative : est père celui dont l’enfant croit qu’il est le père