Hôtel de France (Patrice Chéreau, 1987)
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
Il faut, pour vivre, faire son deuil de l’amour d’avant l’amour, l’archi-amour.
Il aura fallu dire « Je suis mort » pour que commence la vie en plus, la vie supplémentée par l’œuvre, plus que la vie.
L’amour (quasi-)incestueux est le seul qui, au coeur du continent noir, soit vraiment digne de ce nom.
Derrière le regard circulaire du système des médias, il y a des pleurs – impossibles à cacher, étouffer, réprimer, arrêter, surmonter.
Principe d’hospitalité : « Je voudrais apprendre à vivre, enfin ».
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
On ne peut espérer communiquer avec un mort qu’à travers un dispositif de mémoire, un artefact, mais c’est impossible, ça ne marche pas, le récit reste inachevé.
Un désir unique, singulier, déclenché par la rencontre improbable, indécise, de deux solitudes.
En espérant que d’une pure intériorité, dans les limbes réticulaires de l’apocalypse, quelque chose pourra surgir.
Il aura fallu qu’elle soit réduite à la fixité d’un portrait, prise pour morte, pour qu’elle rencontre enfin l’homme pur, intègre : le policier.
Quand la mise en acte d’une justice inconditionnelle, non négociable, appelle une solidarité sans réserve.
En disparaissant, elles suspendent le monde dans lequel le film s’inscrit – sans laisser aucun indice sur l’autre monde.
Un film, dans le film, révèle une vérité dont il témoigne par le montage.
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Il s’agit, sous l’apparence de la transgression, de sauver la distinction tranchée qui oppose le bien au mal.
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.
Vivre sous la contrainte d’un devoir d’amour, un archi-amour indéterminé, insaisissable.
Archi-amour : ce sont tes dettes que j’acquitte, sans condition ni justification, au bénéfice d’un tiers.
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
Comment s’emparer d’une femme, la posséder par son secret, la garder par sa guérison – et surtout dérober son monde.
L’instant pour moi le plus décisif, celui dont je désire le retour avec le plus d’intensité, c’est celui de « ma mort », dont je me souviens sans l’avoir vécue.
Il aura fallu, pour commencer à vivre, un avertissement supplémentaire : tu te dois à la mort.
Un parcours dans les marges où la vie courante, sentimentale-économique, se dissout, s’efface, s’éclipse.
Jouir d’un vol, dans un désintéressement absolu, pour affirmer simultanément, sans les dissocier, son innocence et sa culpabilité.
Un film sur l’amour : pas l’amour fou, mais l’amour en tant que fantasme, folie.
Pas d’union d’un couple, d’amour, de famille, sans se confronter aux traditions et à la mort.
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
Un regard dans le film en appelle au-delà du film à un autre regard qui témoigne d’une alliance oto-biographique.
Aporie de l’amour inconditionnel : en exigeant le sacrifice de tout autre intérêt, il se soumet à une condition irréalisable, mortifère.
La nostalgie d’une extériorité impossible, dont il faut faire son deuil.
Nettoyer, dans un pur linceul, la crainte et la culpabilité.
Pour qui aime sans calcul ni condition, sans exiger aucune réponse, un coup peut être ressenti comme un baiser.
Détourner le contexte colonial pour glorifier le sentiment amoureux.
Le cameraman le plus crédible, le plus digne d’amour, c’est celui qui filme pour rien, sans projet ni intention (le singe).
Exiger l’amour inconditionnel du sans-nom, c’est impossible.
Un film où l’acquiescement à l’autre déclenche le mouvement gratuit, imprévisible, de l' »aimance ».
Avec la perfection du film muet, convergent l’apologie de l’amour et celle de la beauté adhérente en art.