Hôtel de France (Patrice Chéreau, 1987)
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
Les pères s’effacent, plus rien ne soutient les fils, il n’y a plus ni sujets, ni amis, ni amants.
À tout ce qu’on voulait faire de moi, j’ai acquiescé, mais on ne peut pas m’empêcher de dire « je ».
Quand le consentement meurtrier, banalisé, ne dérange plus personne, la responsabilité devient un danger mortel.
Pour qu’advienne le « oui », il faut se laisser aller à un cheminement vide, vacant, et implorer.
Là où ça décide, dans l’avenir, bénédiction et malédiction se confondent.
Il faut, pour vivre, faire son deuil de l’amour d’avant l’amour, l’archi-amour.
L’amour (quasi-)incestueux est le seul qui, au coeur du continent noir, soit vraiment digne de ce nom.
Derrière le regard circulaire du système des médias, il y a des pleurs – impossibles à cacher, étouffer, réprimer, arrêter, surmonter.
Principe d’hospitalité : « Je voudrais apprendre à vivre, enfin ».
En se soustrayant à la logique de l’échange, le Juif perd tout, il est absolument exproprié, y compris de sa propre identité.
Dans un film-cauchemar, la petite fille se retire après avoir payé le prix des blessures, des cicatrices, des souffrances que les autres se sont infligées.
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
L’œil-caméra comme système d’aveuglement, qui ne fonctionne que pour mettre à mort ce qu’il filme.
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Pour légitimer la nation chilienne, il aura fallu qu’un métis témoigne de l’extermination des Indiens, avant qu’il ne soit effacé lui aussi.
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Insensible, muette, masquée, sans cause ni raison, la figure du mal s’en prend prioritairement à sa propre famille.
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
Quand la mise en acte d’une justice inconditionnelle, non négociable, appelle une solidarité sans réserve.
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
On peut pallier, par l’œuvre, la perte d’un regard unique, irremplaçable.
Perdre un monde suppose de renoncer aussi à une part de soi , un quasi-suicide qui conditionne la possibilité de continuer à vivre.
Incapable de demander pardon, de renoncer à la perversion, elle choisit le vide, la déchéance, l’anéantissement.
Le sexe, un pharmakon qui, prétendant compenser ou remédier à la vacuité, creuse un vide encore plus profond.
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
Un pouvoir/impouvoir transactionnel, dérisoire, exposé à la dangerosité imprévisible de pouvoirs souverains.
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Une expérience d’hospitalité, même forcée, ça peut conforter le chez soi, faire du bien.
Il faut, pour sauver les livres, sacrifier et sa mort et sa vie, mourir pour que vive l’à-venir des livres
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
Ce qui reste silencieux ne peut s’écrire que dans une langue étrangère, intraduisible.
Il aura fallu, pour commencer à vivre, un avertissement supplémentaire : tu te dois à la mort.
Un parcours dans les marges où la vie courante, sentimentale-économique, se dissout, s’efface, s’éclipse.
Dans les marges périphériques où le monde se perd, il n’y a personne pour me porter.
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
En jouant son propre effacement, le réalisateur revendique et assume sa responsabilité.
À l’acmé de la violence, du calcul politique qui voue Aldo Moro au sacrifice, se pose la question de l’au-delà du pouvoir, du politique.
Pour qui aime sans calcul ni condition, sans exiger aucune réponse, un coup peut être ressenti comme un baiser.